4 avril 2025
Alexandre Nanot

2 Corinthiens 12.7 : Quel était donc l’écharde de Paul ?

Plusieurs propositions ont été faites au long des siècles, tentant d’expliquer ce que pouvait bien être cette écharde dans la chair de l’Apôtre Paul. Cette métaphore énigmatique ferait, disent certains, référence à son incrédulité, voire à des tentations sexuelles. Ne nous emballons pas. Faisons d’abord un retour dans le passé voir ce que nos prédecesseurs ont pu dire à ce sujet.

Parmi les Pères de l’Église, Tertullien aurait été le premier à songer à une maladie  douloureuse de type chronique, avec des accès violents (l’ange « boxeur »). Ont été retenus, parmi une liste d’une cinquantaine de propositions : des maux de tête, la goutte ou des rhumatismes… une sciatique, des maux de dents, des calculs avec colique, la lèpre, d’autres y ont vu des crises d’épilepsie, des fièvres dues au paludisme (la plaine de Tarse), des maladies nerveuses, d’autre encore voient des crises d’hystérie, la fièvre de Malte…un problème d’élocution comme Barrett l’a suggéré en se référant au passage d’Actes 14.12.

Saint Chrysostome était d’avis que cette écharde se rapportait à Hyménée et Alexandre et leurs semblables, qui, poussés par le diable, causèrent beaucoup d’ennuis à Paul. (1Tm 1.20)

Ramsay suppose que Paul a contracté cette maladie en arrivant à Perge en Pamphylie au cours de son premier voyage missionnaire (Ac 13.13). 

W.M. Alexander a plutôt pensé à la fièvre de Malte. Le commentateur Allo a souscrit entièrement à l’idée d’attaques intermittentes de paludisme « qui correspondent sans aucune difficulté à tout ce que Paul nous dit de sa maladie ».

Sir William Ramsay qui a beaucoup voyagé sur les traces de l’apôtre Paul a suggéré qu’il pouvait avoir attrapé une sorte de paludisme bien répandu dans les pays de la Méditerranée orientale, particulièrement en Pamphylie. 

M. Clavier, en tenant compte du contexte, pense à un ébranlement du système nerveux, causé par les effroyables fatigues ainsi que par les secousses spirituelles dues aux visions et aux révélations (J. Héring 2 Cor : p. 96).

J’ai tout récemment entendu une nouvelle hypothèse, qui, je dois le dire, m’a estomaqué. Paul dit avoir « reçu dans [sa] chair une écharde, un envoyé de Satan » que Dieu n’a pas débarrassé malgré ses prières (2 Co 12. 7-9). Il nous faut remonter jusqu’en 1978, pour qu’un prêtre épiscopalien, Tom Horner, ira jusqu’à interpréter, parmi d’autres hypothèses qui circulent, celle d’une « homosexualité latente ». Oui oui, vous avez bien lu. Mais restons prudent, cette interprétation revient en vogue ces derniers temps. (voir annexe 1 au bas de l’article).

Cependant, gardons-nous de voir dans cette écharde un péché ou un mauvais penchant dont l’un ou l’autre n’arriverait pas à se débarrasser.
Bref, vous l’aurez constaté, ça part dans tous les sens. Et en l’absence de données précises au sujet de cette écharde, gardons-nous de spéculer. Néanmoins, je retiendrai deux propositions sur l’éventualité de cette “écharde”et en guise de conclusion, j’ajouterai une réflexion.

L’une des propositions la plus courante, celle des yeux.

Il s’agirait d’un problème au niveau des yeux. Pour soutenir cette hypothèse, nous avons trois indices. Le premier se trouve en Gal 4.13- 15 : 
13 Vous le savez, c’est à cause d’une infirmité que je vous ai annoncé la bonne nouvelle pour la première fois.
14 et pour ma chair, qui vous était une épreuve, vous n’avez eu ni mépris ni dégoût, mais vous m’avez accueilli comme un ange de Dieu, comme Christ Jésus.
15 Car je vous rends ce témoignage que, si cela avait été possible, vous vous seriez arraché les yeux pour me les donner.

Ici, Paul rappelle aux Galates dans quelle circonstance il fut amené auprès eux. Il était infirme et cette infirmité n’était vraisemblablement pas des plus belles à voir, à tel point que ces Galates se seraient presque arraché les yeux pour lui venir en aide. Était-ce pour les Galates une expression ou était-ce une réalité ? Difficile à dire.

Autre indice, toujours aux Galates, Paul signe sa lettre avec cette mention : Voyez avec quels gros caractères je vous écris de ma main (Gal 6.11). Là encore, cet indice pourrait aller dans le sens d’un problème de vue.

Enfin, lorsque Jésus va se révéler à Saül de Tarse, le texte nous est dit qu’il fut ébloui par une lumière plus brillante que l’éclat du soleil, et cela se passa aux environs de midi, donc avec un soleil à son zénith (Act 26.13). On peut penser que le flash qu’il reçut fut si intense, car il resta aveuglé un certain temps et qu’il aurait pu y rester encore longtemps. Car n’oublions pas que c’est grâce à l’imposition des mains (Act 9.17) d’Anania que Paul retrouvera la vue. Si Anania ne lui avait imposé les mains, Paul aurait-il été guéri ?

Autre hypothèse 

Cette hypothèse peut se décliner en deux propositions. Il s’agit de voir dans cette écharde, non pas une quelconque maladie physique, mais d’y voir des hommes, ou plutôt le travail d’hommes considéré comme des opposants ou des ennemis qui résistent à son message. 

La première, et qui me semble intéressante, est celle pour l’apôtre Paul est de n’avoir pas réussi à gagner ses frères Juifs à l’Évangile. Il n’y a qu’à lire les premiers versets de Romains chapitre 9 pour se rendre compte de la douleur que cela lui causait.

1 Je dis la vérité en Christ ; je ne mens point, ma conscience me rendant témoignage par l’Esprit Saint,
2 que j’ai une grande tristesse et un tourment continuel dans mon cœur ;
3 car moi-même, j’ai souhaité d’être par anathème séparé du Christ, pour mes frères, mes parents selon la chair…

Paul a dû beaucoup prier pour que le message de l’Évangile de Jésus Christ touche ses frères. Cette opposition et ce refus de la part des Juifs va effectivement durer tout au long de sa carrière apostolique. Pour la deuxième, il nous faut voir de plus près le mot en question. Le mot grec σκόλοψ – skolops, généralement traduit par « écharde ou épine » peut tout aussi bien désigner une aiguille ou un pieu. Skolops n’est présent qu’une seule fois dans le NT, mais si nous regardons dans le texte grec de la Septante, (j’ouvre une parenthèse pour préciser ce qu’est la Septante : La LXX est la première traduction en grec du texte hébreu de l’AT, traduite vers 250 av. J.C à Alexandrie en Égypte) nous apercevons ce mot à deux reprises. Les épines – skolops en grec sont une métaphore employée pour désigner les ennemis d’Israël (Nb 33, 55 ; Ez 28, 24).

Notons que la mention de l’« ange de Satan » vient supposer une source d’affliction  personnelle extérieure. Or, Paul avait déjà désigné ses adversaires à Corinthe comme des ministres de Satan (2 Co 11. 14-15). Donc, l’écharde en question serait davantage considérée comme tous ceux qui lui aurait causer de la peine. D’une part, des Juifs eux-mêmes, dont il fait partie, et de l’autre, des non-Juifs, qui s’opposèrent à son message, mais aussi de ceux qui, du sein des Églises qu’il fonda, qui lui causèrent bien souvent des tourments.

Rappelons que l’objectif de cette écharde était de le garder dans l’humilité à cause des révélations extraordinaires qui lui furent accordées.

Dernière réflexion

Enfin, une piste de réflexion au sujet de cette écharde, réflexion que l’on doit à Ph.E. Hugues. « En connaissez-vous, un de ces serviteurs de Dieu qui ne puisse pas identifier quelques échardes dans la chair, visible ou privée, physique ou psychologique, dont il a demandé à être délivré, mais qui lui a été donnée par Dieu pour le garder humble et, par conséquent, fécond dans son service ? Et cela n’est-ce pas tout spécialement le cas de ceux qui sont appelés à annoncer Évangile ? Chaque croyant doit apprendre que la faiblesse humaine et la grâce divine vont la main dans la main. C’est pourquoi l’écharde dans la chair de Paul est, par l’absence même de définition, un type d’écharde dans la chair de tout chrétien, non pas dans ses caractères extérieurs, mais par sa signification spirituelle »  (Nouveau Commentaire Biblique, Philip.E. Hugues 2 Cor. p. 442-443) 

Après tout, chacun de nous ne devrait-il pas voir dans cette écharde sa propre écharde, ce contre quoi nous luttons, et cela peut être de nature différentes selon les individus, mais en aucun cas, cela ne peut justifier un péché ou un acte que la Bible condamne.

Rappelez-vous donc de ces paroles que le Seigneur lui adressa en réponse.  Faites les vôtres : 
Ma grâce te suffit, car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse.

Annexe 1

Voici un court extrait tiré d’un article sur saint Paul, écrit par le Père Luc de Bellescize :

« Ce qui a fait dire à certains que l’écharde que Paul portait, serait la souffrance non choisie d’une tendance homosexuelle. C’est sans doute une lecture très contemporaine, mais c’est possible. Des personnes homosexuelles qui s’efforcent de suivre le Christ et d’ordonner leur vie selon la vérité de la parole de Dieu sur le corps et la sexualité humaine peuvent devenir de très grands saints, même si le chemin est long et douloureux, entre chutes et relèvements. Les saints ne sont ni des impeccables, ni des parfaits. Ils sont au contraire de grands blessés guéris par le Christ. Seul un homme revenu de sa faiblesse peut devenir un homme d’écoute et de compassion qui ne passe pas son temps, du haut de sa citadelle de perfection, à mépriser le reste du monde. C’est un secret à ne dire qu’à ceux qui sont assez mûrs pour l’entendre : la souffrance, quand elle ne nous referme pas trop sur nous-mêmes, est la grande éducatrice de notre âme, et la conscience de nos faiblesses donne l’humilité du cœur. La petite Thérèse disait qu’elle aurait pu commettre tous les péchés, mais que Dieu les lui avait comme remis par avance…». (source : https://fr.aleteia.org/2023/02/09/saint-paul-lavorton-tombe-de-son-cheval-dorgueil)

Annexe 2

Calvin donnera sa pensée dans son commentaire : « Or quant à moi, je pense que sous ce mot sont comprises toutes sortes de tentations par lesquelles saint Paul était éprouvé. Car, selon mon opinion, LA CHAIR ne signifie pas ici le corps, mais la partie de l’âme qui n’est pas encore régénérée, en sorte que le sens soit : « Il m’a été donné un aiguillon pour piquer ma chair. Car je ne suis pas encore tellement spirituel que, selon la chair, je ne sois sujet à tentation. » Davantage il l’appelle ANGE OU MESSAGER DE SATAN, pour autant que, comme toutes les tentations nous sont envoyées par Satan, ainsi dès qu’elles nous donnent l’assaut, elles nous avertissent que Satan est bien près de nous. Par quoi il faut être debout aussitôt que le sentiment des tentations nous chatouillera, et nous armer de bonne heure pour repousser les assauts de Satan. Il était bien utile à saint Paul de remettre cela en mémoire, d’autant que cette considération ne lui donnait point le loisir de s’égayer, comme un homme sans souci, mais l’avertissait de se tenir sur ses gardes. Car il n’est pas encore temps de triompher, quand on est environné de périls, et quand on craint encore son ennemi. Le Seigneur, dit-il, a pourvu par un bon remède à ce que je ne fusse élevé outre mesure. Car pendant que j’avise à me donner garde que Satan ne me séduise, je suis réprimé et retenu par l’orgueil. » (Commentaire de J. Cavin – 2 Corinthiens – Éditions Farel)

1 Commentaire

  1. Jean-Baptiste Dupuy

    Merci Alexandre pour cette étude qui nous incite à étudier et à méditer la parole de Dieu.
    Je me permets de donner mon humble avis sans prétention aucune.

    Je pense également que cette écharde doit être liée à ses yeux. Paul aborde effectivement le sujet dans sa lettre aux Galates mais nous voyons que dans plusieurs autres lettres, il précise qu’il signe de sa propre main, ce qui sous-entend que quelqu’un d’autre écrivait pour lui.

    Romains mais aussi :
    Colossiens 4:18 S21
    [18] Je vous salue, moi Paul, de ma propre main.

    2 Thessaloniciens 3:17 S21
    [17] Moi Paul, je vous salue de ma propre main. C’est là ma signature dans toutes mes lettres, c’est ainsi que j’écris.

    Philémon 1:19 S21
    [19] Moi Paul, je l’écris de ma propre main, je te rembourserai, sans vouloir te rappeler que toi aussi, tu as une dette envers moi: c’est toi-même.

    Nous pouvons imaginer quelle détresse cela devait être pour Paul. Car le moyen le plus sûr que son enseignement de l’Évangile de JC arrive et sois transmis sans altération, c’était par des écritures, surtout la sienne. Il ne pouvait y avoir discussion. (Surtout dans les assemblées qu’il avait établi)

    Je crois également que cette écharde est liée à la non réception de l’Évangile par ses frères juifs, car ne l’oublions pas : Paul était juif, pharisien d’autant plus. Le peuple élu ne reconnaissait pas Yeshoua Mashiah comme leur sauveur.

    Si nous-mêmes, nous avons de la détresse pour les perdus de notre temps à combien plus forte raison nous devons imaginer celle de Paul pour les siens.

    Et autre motif de cette écharde : lorsqu’on lit toutes les épîtres ou Paul reprend, exhorte et encourage les fidèles à rester fermes dans la foi. On se rend compte des combats incessants qu’il avait à mener contre les mensonges, les rivalités, les querelles, les calomnies etc…
    Pasteurs et Anciens qui s’occupent des brebis d’une assemblée savent de quoi il en retourne…

    2 Timothée 4:16-18 S21
    [16] La première fois que j’ai présenté ma défense, personne ne m’a soutenu, tous m’ont au contraire abandonné. Qu’il ne leur en soit pas tenu compte!
    [17] C’est le Seigneur qui m’a soutenu et fortifié afin que, par mon intermédiaire, le message soit pleinement proclamé et entendu de toutes les nations; c’est ainsi que j’ai été délivré de la gueule du lion. [18] Le Seigneur me délivrera de toute œuvre mauvaise et me sauvera pour me faire entrer dans son royaume céleste. A lui soit la gloire aux siècles des siècles! Amen!

    De toute façon, il est une bonne chose que notre Seigneur nous maintienne tous avec une écharde en nous. Ainsi la suite du passage se réalise en nous :

    2 Corinthiens 12:9 BDS
    [9] mais il m’a répondu : « Ma grâce te suffit, c’est dans la faiblesse que ma puissance se manifeste pleinement. » C’est pourquoi je me vanterai plutôt de mes faiblesses, afin que la puissance de Christ repose sur moi.

    Philippiens 4:13 S21
    [13] Je peux tout par celui qui me fortifie, [Christ].

    Et dernière chose, entre autre passage, je crois que Romains 5 résume la pensée de Paul sur la marche avec Dieu :

    Romains 5:1-5 DBY
    « 1. Ayant donc été justifiés sur le principe de la foi, nous avons la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ,
    2. par lequel nous avons trouvé aussi accès, par la foi, à cette faveur dans laquelle nous sommes, et nous nous glorifions dans l’espérance de la gloire de Dieu.
    3. Et non seulement cela, mais aussi nous nous glorifions dans les tribulations, sachant que la tribulation produit la patience,
    4. et la patience l’expérience, et l’expérience l’espérance;
    5. et l’espérance ne rend point honteux, parce que l’amour de Dieu est versé dans nos coeurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné.
    »

    Je partage ce chant : chaque instant de chaque jour qui passe de Sebastian Demrey
    https://music.youtube.com/watch?v=Bj7J3xKWNBo&si=7BfohX8zxMMCp5_g

    J’aime bcp ces paroles, surtout le refrain :

    Et son cœur si patient, si tendre
    C’est pourvoir aux besoins de ma foi
    À Lui seul j’ai appris à m’attendre
    Et je sais qu’il s’occupe de moi

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