« Cet ajout reste mystérieux. Je crois que le cheval a été ajouté pour que Paul tombe de plus haut, que la chute soit plus spectaculaire, car dans les textes, il n’est fait mention d’aucun moyen de locomotion. À mon avis, il allait à pied et est tombé de son haut… qui n’était pas très haut ! Donc, on a agrandi, magnifié cette chute en lui donnant une monture. » Florence Delay
Saül de Tarse, plus connu sous le titre de l’Apôtre Paul, est issu de la tribu de Benjamin, comme il le dira lui-même (Rom 11.1 ; Phil 3.5). Luc, l’auteur du livre des Actes, fait basculer le prénom Saül (désiré) pour celui de Paul (petit). On pourrait déjà faire un parallèle entre le premier roi d’Israël, Saül, Fils de Qish et petit-fils de Ner de la tribu de Benjamin. Or, le texte nous dit que le roi Saül était grand (1 Sm 9.2 ; 10.23).
On peut lire dans ses lettres, un Saül de Tarse, fier de lui-même, de son parcours intellectuel et de son engagement, plein de zèle pour la Torah (Gal 1.14), mais en cours de route, un événement va se produire, événement qui va lui apprendre un tout autre chemin, celui de l’humilité (1 Cor 15.8-9).
Mais revenons à la question : « Paul est-il tombé de son cheval, alors qu’il se rendait à Damas ? »
Il semble que nous sommes tous influencés par les représentations artistiques que nous voyons, et parfois l’image nous trompe. On plaque sur le texte biblique ce que nous avons vu, sans nous en tenir à ce que nous lisons. On imagine des choses qui ne sont pas, ou qui ne sont pas dites explicitement.
J’entends assez régulièrement dans des prédications que Paul est tombé de cheval. Or, lorsque nous nous en tenons au texte, il n’y a rien qui laisse entendre que lui et ceux qui l’accompagnaient en se rendant à Damas, tombèrent de cheval.
Les seuls endroits dans le Nouveau Testament où il est question de cavaliers, c’est-à-dire « montés sur des chevaux », c’est en Actes 23.23 et 32, lors du transfert de Paul de Jérusalem à Césarée et tout cela sous grande escorte militaire. Ainsi au v. 24, on voit que Paul sera escorté sur un cheval. De plus, exception faite de Jacques 3.3, le livre de l’Apocalypse est le seul à contenir le mot cheval (hippos) et maintes fois l’expression « cheval et celui qui est assis dessus ».
Donc pourquoi imagine-t-on toujours Saül tombant de son cheval ? J’ai trouvé quelques peintures célèbres, parmi elles :
- Michelangelo Merisi, dit « Caravage » ou « Le Caravage », tableau exposé à l’église Santa Maria del Popolo à Rome en Italie.
- La Conversion de Saint Paul par Francisco Camilo (1667), musée de Ségovie (Casa del Sol) en Espagne.
- Bartolomé Esteban Murillo vers 1675-1682 exposé au Museo Nacional del Prado à Madrid en Espagne.
- La conversion de saint Paul par Parmigianino exposé au Kunsthistorisches Museum à Vienne en Autriche.

On trouve les détails relatifs à ce tournant dans la vie de Paul en Actes 9.1-9, 22. 6-11 et 26. 12-16. En prenant les trois passages, on peut faire la synthèse suivante :
Synthèse du récit
Actes 9. 1.9 | Actes 22. 6-11 | Actes 26. 12-16 |
Vers midi | Au milieu du jour | |
une lumière | une vive lumière | une lumière plus brillante que le soleil |
resplendit autour de Saül | resplendit autour de Saül | enveloppe tout le monde |
Saül tombe à terre | Saül tombe à terre | Tous tombent à terre |
Saül entend la voix | Seul Saül entend la voix | Seul Saül entend la voix |
Ses compagnons entendent la voix, mais ne voient personne. | Ses compagnons voient la lumière, mais pas la voix. |
Un mot sur la “conversion de Saül”
L’événement extraordinaire qui va changer le cours de son existence est raconté en Actes 9. En route vers Damas, Saül va vivre une expérience qui bouleversera sa vie. Une lumière plus éclatante que celle du soleil va l’éblouir, l’aveugler et une voix va se manifester : « Moi, Je suis Jésus que tu cherches à persécuter ». Saül va comprendre aussitôt que celui qu’il persécute avec ardeur est bel et bien Jésus le Messie, celui dont parlaient les prophètes et les psaumes. Cette révélation va bousculer sa vie et son destin et il va réinterpréter ou avoir une nouvelle compréhension des Écritures à la lumière du Messie.
Paul n’a jamais renié sa judéité. Jusqu’au bout, il déclarera qu’il est juif (Actes 21.39 ; 22.3) et pharisien qui plus est (Actes 26.8).
Cependant, lorsque nous trouvons dans la grande majorité de nos bibles le titre suivant : «Conversion de Paul», beaucoup en déduisent que Paul a cessé dès lors d’être juif, qu’il s’est alors coupé des pratiques du judaïsme et est devenu ainsi chrétien. C’est là une grave erreur, mais encore faut-il comprendre ce que le mot conversion signifie. Ici, la conversion ne doit pas être comprise comme on convertira des euros en dollars, c’est-à-dire changer une unité de valeur pour une autre (des pouces en centimètres, des degrés Celsius en Fahrenheit, etc.).
Ainsi, la définition de la conversion se résume en ceci : il s’agit du fait de passer d’une croyance considérée comme fausse à une vérité religieuse admise. Et c’est ce que nous pourrions comprendre au sujet de Saül à cause de ce titre de « Conversion de Paul » qui nous conditionne : Paul cesse d’être juif et abandonne le judaïsme pour devenir chrétien.
Non, Paul ne se convertit à rien ! Ce que Paul reçoit sur le chemin de Damas, c’est la révélation que ce Jésus qu’il persécutait est bien le Messie. Un titre plus juste comme « Révélation de Jésus-Christ à Saül de Tarse » serait donc plus juste. La version TOB propose « La vocation de Paul » en titre, ce qui est plus pertinent.

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