26 décembre 2019
Alexandre Nanot

ÉRASME et le Textus Receptus -Texte reçu


L’un des piliers de la réforme est le Sola Scriptura, l’Écriture seule. Mais pour ce faire, il est préférable d’avoir accès à la bible dans sa langue. Le début du XVIe siècle voit la levée de grands humanistes dont Érasme fut le prince. Pour beaucoup d’entre eux, il est essentiel de revenir aux langues. Rappelons que tout cela est aussi rendu possible, grâce à l’invention de l’imprimerie en 1455. 

La première édition d’un Nouveau Testament grec qui fut imprimée date du 10 Janvier 1514. Il s’agit de la Bible polyglotte d’Alcalá, appelée Complutensis, éditée par le cardinal d’Espagne Ximénès de Cisneros, régent du Royaume de Castille et confesseur en titre d’Isabelle d’Aragon.
600 exemplaires furent imprimés mais malheureusement ne furent pas diffusés avant 1522, faute d’approbation formelle pour publication. L’ouvrage est présenté en 6 volumes, dont chaque volume est une traduction du Nouveau Testament. L’un contient la Septante grecque, un deuxième volume comprend un Ancien Testament hébreu, un troisième un targum d’Onqelos du Pentateuque, un quatrième la Vulgate et le cinquième volume est un Nouveau Testament en grec. Le sixième volume, lui, contient un lexique hébreu-araméen et la grammaire de Zamora.

Dans le même temps parut le Quincuplex Psalterium, œuvre de Lefèvre d’Etaple, édité en 1509 et légèrement révisé en 1513. L’ouvrage est une présentation commentée des psaumes en latin.

Le projet d’Érasme vit le jour un mois d’avril 1515, alors qu’il se trouvait à l’université de Cambridge, c’est là qu’un certain Beatus Rhenanus lui partagea la proposition d’un éditeur nommé Johann Froben.
Celui-ci semble vouloir être le premier à éditer un Nouveau Testament grec, espérant devancer le Complutensis du cardinal Ximénès de Cisneros.

Érasme de Rotterdam fut donc chargé par l’imprimeur bâlois, Johann Froben, de compiler un Nouveau Testament grec. Le temps est court et le travail doit se faire à la hâte. Érasme prit le projet à cœur et pour ce faire, il se rendit à la bibliothèque des Dominicains dans la ville de Bâle et y trouva 7 manuscrits de la famille Byzantine relativement récents (Xe, XIIIe et XVe).

Voici le détail de ce qu’il disposait : 

  • Minuscule 1 eap – Complet sauf l’Apocalypse XIIe siècle
  • Minuscule 1rK – Livre de l’Apocalypse XIIe siècle
  • Minuscule 2e – Évangiles XIIe siècle
  • Minuscule 2ap – Actes des Apôtres et Épîtres XIIe siècle
  • Minuscule 4ap – Épîtres de Paul XVe siècle
  • Minuscule 7p – Épîtres de Paul XIIe siècle
  • Minuscule 817 – Évangiles XVe siècle 

Érasme avait donc à sa disposition deux manuscrits des évangiles, deux lots des épîtres de Paul, un des Actes des Apôtres et des épîtres catholiques, et une partie de l’Apocalypse, les six derniers versets étaient manquants. Compilant le tout, il procéda à une correction de son travail et, pour les fragments manquants de l’Apocalypse, il utilisa le texte de la Vulgate qu’il traduisit en grec. Le travail de la première édition fut visiblement fait avec précipitation et contenait bon nombre d’erreurs, mais il fut très bien accueilli.

Ce Nouveau Testament grec d’Érasme fut édité cinq fois entre 1516 et 1535.

La première édition date du 1er mars 1516. Elle parut chez l’éditeur bâlois Johann Froben et s’intitula Novum instrumentum. L’ouvrage se présentant sur deux colonnes, à gauche, figure le texte grec, à droite, le texte latin. Il s’agira donc pour l’heure, du premier Nouveau Testament en grec. L’une des corrections, dont la Vulgate fit entorse au texte est en Marc 1.15 disant : “Faites pénitence et croyez à l’évangile”, Érasme corrigea et traduisit par : “Repentez-vous et croyez à l’évangile”

Cette première édition fut dédicacée au pape Léon X. Dans sa préface, Érasme écrit :

« C’est aux sources mêmes que l’on puise la pure doctrine ; aussi avons-nous revu le Nouveau Testament tout entier d’après l’original grec, qui seul fait foi, à l’aide de nombreux manuscrits des deux langues, choisis parmi les plus anciens et les plus corrects (…). Nous avons ajouté des notes pour justifier nos changements, expliquer les passages équivoques, ambigus ou obscurs, rendre moins facile dans l’avenir l’altération d’un texte rétabli au prix d’incroyables veilles. »
— Érasme, Lettre 384

La deuxième édition porta le nom de Novum Testamentum omne et parut en 1519.
Imprimée à Haguenau en Alsace, c’est ce texte grec de base qu’utilisa Martin Luther pour traduire son Nouveau Testament en allemand. Luther ne perdit pas de temps, en deux mois sa traduction fut terminée (déc. 1521 – fév. 1516). A l’époque, il fut dit : Érasme a pondu l’œuf, Luther l’a couvé.
López de Zúñiga, dit Stunica, qui était l’un des éditeurs de la Complutensis du cardinal Ximénès, reprocha à Érasme d’avoir omis le passage de 1 Jn 5,7b-8a (Comma Johanneum). Érasme répliqua qu’il n’avait trouvé cette leçon dans aucun manuscrit grec ; qu’on ne pouvait donc véritablement parler d’« omission », mais plutôt de prudence. Pour López de Zúñiga, les manuscrits latins sont plus fiables que les manuscrits grecs. Érasme montra alors que certains manuscrits en latin ne contenaient pas le passage cité.

La troisième édition, quant à elle date de 1522 et verra l’insertion du comma Johannique, une variante trinitaire que l’on trouve dans 1 Jn 5.7b-8a et qui subsiste aujourd’hui encore dans certaines bibles, telles que la TBS, la Colombe, Crampon, Pirot-Clamer et bien évidement la Martin et la célèbre Ostervald, qui toutes deux utilisent le Texte reçu pour le Nouveau Testament. Pour ce qui est du comma johannique, le premier manuscrit contenant ce passage est un manuscrit latin du VII siècle, qui se trouve aujourd’hui à Munich.
Cette troisième édition fut utilisée par William Tyndale pour son English New Testament, la première traduction en anglais du Nouveau Testament, publiée à Worms en 1526.
Robert Estienne (1503-1559), lui aussi l’utilisa pour son Nouveau Testament en grec, ainsi que les auteurs des traductions anglaises de la Genèva Bible (1560) et de la King James (1611), tous se baseront également sur cette 3ème édition d’Érasme.

Une quatrième édition parut en 1527, ce Nouveau Testament se présente en trois colonnes : dans la première se trouve le texte grec, qu’il reprit de la Bible polyglotte d’Alcalá – Complutensis ; dans la deuxième se trouve la Vulgate et la troisième colonne, étant la traduction latine d’Érasme lui-même. Il reprend la correction du livre de l’Apocalypse en près de 90 passages. 

La cinquième et dernière édition date de 1535. Érasme était alors à Genève, elle paraîtra un an avant sa mort. Dans cette ultime édition, le texte de la Vulgate a disparu.

Les travaux d’Érasme ont ouvert la voie. Robert Estienne (1503-1559), qui fut aidé par son fils Henri (1528-1578), a publié quatre éditions du Nouveau Testament grec : 1546, 1549, 1550 et une dernière en 1551 que l’on appelle Édition royale. Cette dernière comporte, pour la première fois, la division du texte en versets que nos bibles actuelles ont gardé. Ces éditions reposent toutes sur la Complutensis d’Alcalá d’une part, ainsi que sur les travaux d’Érasme d’autre part et sur une quinzaine de manuscrits dont le célèbre codex D, appelé Codex Bezae. Estienne utilisa cependant une série de codex qu’il trouva à Paris et qu’Érasme n’avait pas consultée.

En 1624, Abraham et Bonaventure Elvézir, des imprimeurs hollandais publièrent à leur tour une édition compacte du Nouveau Testament grec qui fut inspirée par l’édition de Théodore de Bèze en 1565. Une deuxième édition fut publiée en 1633 avec pour la première fois la mention en latin : Textum ergo habes, nunc ab omnibus receptum: in quo nihil immutatum aut corruptum damus.  « Vous avez donc le texte reçu par tous, dans lequel nous n’indiquons rien d’altéré ou de corrompu ».

Telle est la première apparition de ce que l’on appelle le Textus Receptus.

Les premiers traducteurs qui s’affranchirent du texte reçu, furent Arnaud et Rilliet en 1858.

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5 Commentaires

  1. Duffy

    Tres interessant article
    J’aimerais savoir quelles sont les bibles qui utilisent le texte recu et d’autres qui utilisent d’autres textes . Un verset m’intrigue et qui annule le salut par la grace est celui de l’apocalyse de jean chap 22 verset 14 dans une bible ostervald:heureux ceux qui font les commandements au lieu de laver leurs robes ou vetements selon les versions. Est ce vraiment le texte recu qui est authentique comme certains sites sur internet le disent? Pour des protestants de l’époque de la reforme qui confirment le salut par la foi en Jesus Christ, je suis tres étonnée!

    Réponse
    • Bernard BALLIN

      Les Bibles qui utilisent le texte reçu sont celles qui traduisent …ceux qui font les commandements…Lausanne 1872, Bible de Genève 1669, David Martin, King James et peut-être d’autres. Ce verset n’annule pas le salut par grâce. La vie chrétienne commence par le salut par grâce, mais vient ensuite la sanctification sans laquelle nul ne verra le Seigneur. La sanctification, c’est faire la volonté de Dieu, volonté exprimée entre autres dans les 10 commandements si ce texte ne parle que des 10 commandements…D’autres textes du livre de l’apocalypse parlent de ceux qui gardent les commandements ou la parole de Dieu et qui retiennent le témoignage de Jésus (Apo 1:9; 12:17; 20:4). Un exemple simple, c’est le brigand sur la croix qui a reconnu Jésus comme son sauveur. A-t-il été sauvé? Oui! Jésus l’a dit! C’est le salut par grâce sans les oeuvres. Si ce brigand avait été descendu de sa croix et avait continué de vivre, aurait-il dû changer de conduite et faire la volonté de Dieu? Il me semble que oui! Volonté de Dieu exprimée comme je le disais dans ses commandements…Maintenant, pour le texte reçu, il me parait plus authentique que les autres, c’est un avis personnel…

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      • Duffy

        Je comprends et respectes votre point de vue.
        Mais Jesus lui meme dit qu’il est venu pour sauver les pecheurs non des gens qui font tout pour etre justes.Christ est la fin de la loi est ce pas? Meme le brigand sur la croix avoue lui meme que sa vie etait en desaccord avec la loi divine et n’a pas le temps de faire la volonte de Dieu car il vit ses dernieres heures sur la croix. Mais il va etre sauvé quand meme en demandant grace a Jesus.
        Pourquoi alors ce verset apocalypse 22:14 est dit differenment selon les nombreuses bibles qui existent aujourd’hui? Il y a surement une raison à cela.
        Moi, je ne sais pas vraiment si le texte recu est authentique ou non, vu l’histoire declinante dans le passé du protestantisme.
        C’est un avis personnel.

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        • Deo

          Bonjour Duffy,

          je comprends ton inquiétude. Mais il est vraiment important de comprendre le salut par la grâce, en faisant pas dire à la bible ce qu’elle ne dit pas.

          1. Nous sommes sauvés par grâce et non pas par nos œuvres. Cependant notre foi a des œuvres qui montre que nous sommes sauvés.

          Cela veut dire que c’est en la foi au sacrifice de Jésus que nous avons le pardon de nos péchés et le salut de nos âmes. Pau dit (Ephésiens 2v8)
          « Car vous êtes sauvés par la grâce, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c’est le don d’Elohîm. 9 Cela ne vient pas des œuvres, afin que personne ne se glorifie. 10 Car nous sommes son ouvrage, ayant été créés en Yéhoshoua Mashiah pour les bonnes œuvres qu’Elohîm a préparées d’avance, afin que nous marchions en elles »6

          donc le fait d’avoir obtenue le salut sans avoir posé une quelconque actes, c’est ça la grâce. Mais une fois ce salut obtenu, nous devons marché en nouveauté de vie. c’est à dire manifesté les fruits et les œuvres de l’Esprit (Galates 5v17, Colossiens 1v10). Sinon qu’est ce qui montrera que nous sommes devenus des nouvelles créatures en Christ (2 corinthen 5v17) différentes de celle que nous étions ?

          Au sujet de la grâce voici ce que dit paul ( Tite 2v11-14)): » 11 Car la grâce d’Elohîm qui apporte le salut à tous les humains est apparue. 12 Et elle nous enseigne à renoncer à l’impiété et aux convoitises mondaines, pour que nous vivions dans l’âge présent discrètement3, justement et pieusement, 13 en attendant l’espérance bénie et l’apparition de la gloire4 de Yéhoshoua Mashiah notre grand Elohîm et Sauveur, 14 qui s’est donné lui-même pour nous, afin de nous racheter de toute violation de la torah et de nous purifier, et de se purifier un peuple qui soit son bien propre, zélateur des bonnes œuvres »

          2. Concernant apocalypse 22v14 « Bénis sont ceux qui observent ses commandements »

          tu dis : »Jesus lui meme dit qu’il est venu pour sauver les pécheurs non des gens qui font tout pour être justes. » Mais est ce que cela est contraire au fait de garder ses commandements ? Non. En fait une fois qu’on a été sauvé, il y a une vie en christ qu’il va falloir mener. et Celle cette vie se fait conformément à ses commandements. le Seigneur Jésus lui même dit ( Jean 14v21): » Celui qui a mes commandements et qui les garde, c’est celui qui m’aime. » Tu peux aussi lire ( 1 Jean 5v3, 2 jean 1v 6)

          la question que tu peux aussi te poser est quelles sont ces commandements qu’il faut garder ?

          C’est ici où il y a des grands débat entre ceux qui pense que christ a aboli la loi, utilisant le plus souvent (Romain 10v’4) et que désormais nous n’avons plus de commandement à observer et ceux qui pensent que nous devons toujours observer la loi de Moïse car Jésus a affirma lui même qu’il n’est as venu abolir la loi mais l’accomplir. Evidemment, les deux courant on des variantes et des nuances que je ne saurais tous abordé ici. Voici ce qu’il en est, d’après ce que je comprend des écritures:

          – Christ en effet dans les jours de sa chaire a accomplis la loi et les prophètes il l’a dit à la croix tout est accomplis ( cad tout ce que la loi et les prophètes ont dit de moi est fait) accomplis). En conséquence, changement des lois cérémoniel ( relatif au culte lévitiques, A ce sujet lire Hébreux ) et du sacerdoce lévitique.

          – pour ce qui est des lois civils et morales : les lois civils était destinées à règlementer la vie sociale juive, quoi que venant de Dieu lui même. Elles ne peuvent être imposés aux non juifs. ( voire notamment actes 15 v 21). Pour les lois morales, celle-ci était une déclinaison des 10 commandements avec certains détailles. Donc autant se référer directement aux 10 commandements.

          – les 10 commandements: ceux-ci ont préexister avant qu’elle ne soit donner à Moïse. elles sont en quelque sorte gravé dans la conscience de l’homme. Un exemple lorsque Cain tue Abel, il sait qu’il a mal fait, et dans toutes les société assasiné est mal, de même que convoité. le fils de noé a été maudit parce qu’il n’ a pas honoré son père. le sabbat lui même a été institué au commencement. l’idolâtrie a été sanctionné par Dieu avant Moïse. Mais cette, loi que je dirai éternelle va au delà des 10 commandements. et est plus suptile. Et celle-ci demeure en nous. Et c’est un peu sur cette base que le Saint Esprit nous éclaire en nous donnant une compréhension plus profonde des commandements à respecter. Par exemple christ dit que l’Adultère c’est pas que l’acte mais aussi la pensée. Et c’est ce même travail que le saint esprit poursuit dans nos vies. c’est à dire aller au delà de la lettre pour comprendre l’esprit de la loi et des commandements qu’il avait donné à Israel, afin que nous les appliquions non selon la lettrre mais selon l’esprit. Car chaque commademment de la torah a une valeur spirituelle

          la loi de Christ : la loi de l’amour. Aimer Dieu et son prochain. Voici le commandement qu’il faut garder.

          3. Concernant les textes recues et les textes minoritaires

          je penche plus pour l’authenticité des textes recues que les minoritaires. En effet ces derniers rétranche des trop grandes portion de l’écritures, ce qui a été fatal pour le christianisme moderne. Prennez rien que le passage de romain 8v1 dans les deux versions pour comprendre la différence dans la compréhension du Salut. Certes les textes recues peuvent avoir des erreurs ( peut être !) mais ceux contenues dans les textes minoritaires change sont si graves qu’elles ont beaucoup servi les fausses doctrines actuelles.

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    • Jacob Bigma

      Le terme commandements ici se résume en ce que le Seigneur Jésus Christ a dit en Matthieu 22 versets 36 à 40. Ainsi ceux qui vont aimer Dieu, c’est-à-dire faire de Dieu leur Seigneur et Sauveur, pour ne pas dire ceux qui vont dépendre entièrement de Dieu et qui vont aussi aimer leur semblable hériteront de la vie eternelle.
      Je vous remercie.

      Réponse

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