23 février 2025
Alexandre Nanot

Matthieu 28.19 : au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit est-il authentique ?

J’ai enfin décidé d’écrire un article sur un sujet “brûlant” qui revient de temps en temps. Il s’agit de l’authenticité ou de l’ajout tardif de la finale que l’on trouve à la fin de Matthieu 28.19. Pour soutenir le fait que cet ajout serait douteux et non présent dans les originaux (ce que personne, à preuve du contraire, a pu confirmer), les partisans utilisent généralement un seul argument : Ceux des Écrits d’Eusèbe de Césarée ! Mais en grattant un peu, on peut vite déceler chez ceux alimentent le débat, des oppositions au dogme de la Trinité.

Voici donc le verset en question : Allez donc, formez des disciples de toutes les nations, les baptisant au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit.

 J’ai vérifié ma GNT UBS4 et n’ai trouvé aucune variante listée dans l’appareil textuel.  J’ai vérifié le Textual Commentary on the Greek New Testament de Bruce Metzger, 2ᵉ édition, et je n’ai trouvé aucune mention de Matthieu 28:19 comme étant un ajout ou ayant des variantes textuelles.

À ma connaissance, tous les manuscrits, codex, petit et grand oncial, de Matthieu 28.19 contiennent tous la finale, avec une petite variante près portant sur le verbe baptiser : « βαπτίζοντες (βαπτισαντες selon certains mss) αὐτοὺς εἰς τὸ ὄνομα τοῦ πατρὸς καὶ τοῦ υἱοῦ καὶ τοῦ ἁγίου πνεύματος ».

Voici un récapitulatif de tous les manuscrits qui contiennent le verset complet.

Codex Vaticanus – 330 : εις το ονομα του πατρος και του υιου και του αγιου πνευματος
Codex Sinaiticus – 360 : εις το ονομα του Π̅Ρ̅Σ̅ και του Υιου και του Αγιου Π̅Ν̅Σ̅
Codex Alexandrinus – 390 : εις το ονομα του Π̅Ρ̅Σ̅ και του Υ̅Υ̅ και του Αγιου Π̅Ν̅Σ̅
Codex Bezae Cantabrigiensis – 430 : εις το ονομα του Πατρος και Υιου και του Αγιου Π̅Ν̅Σ̅
Codex Washingtonianus – Vᵉ siècle : εις το ονομα του Π̅Ρ̅Σ̅ και του Υιου και του Αγιου Π̅Ν̅Σ̅
Codex Sangallensis – IXᵉ siècle
Codex Coridethianus – IXᵉ siècle


Tous les manuscrits de la famille 1 (Famille de Lake) dont :
Minuscule 1 – XIIᵉ siècle
Minuscule 118 – Xᵉ siècle
Minuscule 131 – XVᵉ siècle
Minuscule 209 – XIVᵉ siècle
Minuscule 1582 – Xᵉ siècle
Minuscule 33 – IXᵉ siècle
Minuscule 565 – IXᵉ siècle
Minuscule 892 – IXᵉ siècle
Minuscule 1241 – XIIᵉ siècle
Lectionnaire 844 – 861/862
Lectionnaire 2211 – 995/995

La Vulgate (IVᵉ siècle) ainsi qu’une partie de la tradition latine : eos in nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti.
La Vetus Itala – II et IIIᵉ siècle

Toute la tradition Syriaque, ainsi que :

Syrus Curetonianus – Vᵉ siècle
Syrus Sinaïticus – fin du IVᵉ siècle
Peshitta – Vᵉ siècle
Version Philoxénienne – 616
Version Harkleen – 616
Toute la tradition Copte-Sahidique
Toute la tradition de Mesokemique (Moyen-Égypte)
Cinq ou plus manuscrits Bohairique
Erasmus 1527 : eos in nomine patris & filij & spiritus sancti
Le Stephanus – 1550 : εἰς τὸ ὄνομα τοῦ πατρὸς καὶ τοῦ υἱοῦ καὶ τοῦ ἁγίου πνεύματος
la King James : εἰς τὸ ὄνομα τοῦ Πατρὸς, καὶ τοῦ Υἱοῦ, καὶ τοῦ Ἁγίου Πνεύματος

SOURCES EXTRA-BIBLIQUE DES PÈRES DE L’ÉGLISE

  1. La DIDACHÈ des Douze Apôtres.

Le récit en question est une catéchèse du christianisme primitif, écrit vraisemblablement vers la fin du Iᵉʳ siècle, voire le début du IIe en Syrie ou en Palestine. Pour le Père Audet, la date proposée pour sa rédaction varierait entre 50 et 70.
Si Irénée de Lyon (130-202) la cite dans ses écrits, c’est donc que la Didachè est antérieure à cette date, mais d’autres Pères de l’Église comme Clément d’Alexandrie ou bien Origène y font référence, ainsi qu’Eusèbe de Césarée. 
Origène (185-254) mentionne plusieurs livres comme admis au canon, mais certains livres sont contestés, comme les épîtres aux hébreux, de Jacques, Jude et d’autres, comme Le Pasteur d’Hermas et la Didachè.

Voici ce que l’on peut lire au Ch. VII : Quant au baptême, baptisez ainsi ; après avoir proclamé tout ce qui précède, baptisez au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit dans de l’eau vive.
Mais si tu n’as pas d’eau vive, baptise dans une autre eau ; si tu ne peux pas (baptiser) dans l’eau froide, que ce soit dans l’eau chaude.
Si tu n’as ni l’une ni l’autre (en quantité suffisante), verse trois fois de l’eau sur la tête au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit.
Avant le baptême, que celui qui administre le baptême et celui qui le reçoit se préparent par le jeûne et si d’autres personnes le peuvent, (qu’elles fassent de même) ; en tout cas, tu commanderas à celui qui va être baptisé de jeûner un ou deux jours auparavant.

  1. JUSTIN MARTYR (mort martyr en 165)

Justin Martyr dans Apologies cite lui aussi la formule trinitaire : 
« ἐπʹ ὀνόματος γὰρ τοῦ πατρὸς τῶν ὅλων καὶ δεσπότου θεοῦ καὶ τοῦ σωτῆρος ἡμῶν ιησοῦ χριστοῦ καὶ πνεύματος ἁγίου τὸ ἐν τῷ ὕδατι τότε λουτρὸν ποιοῦνται. »
Traduction : « car c’est sur le nom du Père de tout, du Maître Dieu, et de notre Sauveur Jésus-Christ et du Saint Esprit, que dans l’eau, alors ils accomplissent le bain. (Apologie 61.3 b)

Chapitre 61 toujours : « Et c’est pourquoi nous avons appris des apôtres ce qui suit : Puisque nous sommes nés à notre naissance sans notre connaissance ni notre choix, par la conjonction de nos parents, et que nous avons été élevés dans de mauvaises habitudes et une éducation mauvaise, afin que nous ne restions pas des enfants de nécessité et d’ignorance, mais que nous devenions des enfants de choix et de connaissance, et que nous obtenions dans l’eau la rémission des péchés commis auparavant, celui qui choisit de naître de nouveau et s’est repenti de ses péchés, le nom de Dieu le Père et Seigneur de l’univers est prononcé sur celui qui choisit de naître de nouveau et s’est repenti de ses péchés, celui qui conduit au bassin celui qui doit être lavé en l’appelant de ce seul nom. Car personne ne peut prononcer le nom du Dieu ineffable ; et si quelqu’un ose dire qu’il y a un nom, il est dans une folie sans espoir. Et ce lavage est appelé illumination, parce que ceux qui apprennent ces choses sont illuminés dans leur entendement. Et au nom de Jésus-Christ, qui a été crucifié sous Ponce Pilate, et au nom du Saint-Esprit, qui par les prophètes a tout annoncé de son sujet, celui qui est illuminé est lavé. »

  1. L’EPISTOLA APOSTOLORUM (150)

Nous trouvons une profession de foi trinitaire déjà connue dans l’Epistola Apostolorum qui date d’environ l’an 150 : « Nous croyons que les cinq pains de la multiplication des pains sont une image de notre foi au grand christianisme, c’est-à-dire dans le Père, le Maître souverain du monde entier, et en Jésus-Christ – Notre Sauveur, et dans le Saint Esprit – le Paraclet, et à la Sainte Église et à la rémission des péchés » (ch. V).

  1. TERTULLIEN (160-200)

Tertullien, dans un ouvrage intitulé De Baptismo et datant d’environ 200-206, écrit ceci : « Après sa résurrection, il promet à ses disciples de leur envoyer la promesse du Père ; et enfin, il leur donne pour dernière instruction « de baptiser dans le Père, le Fils et l’Esprit saint » et non dans un seul ! (Contre Praxeas fin du ch.26).

  1. CYPRIEN 

Cyprien dans Epistula 73

Le Seigneur, après sa Résurrection, envoyant ses disciples, les instruit de la manière dont ils doivent baptiser, et leur dit : « Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre. Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du saint Esprit ». (Mt 28,18-19). Il marque la Trinité, au nom de laquelle les nations devaient être baptisées.

  1. ATHANASE D’ALEXANDRIE

Athanase d’Alexandrie dans Epistula ad Serapionem.

  1. BASILE DE CÉSARÉE

Basile de Césarée, dans De Spiritu Sancto, ch. 10

  1. Le cas d’ORIGÈNE

Je n’ai malheureusement pas pu consulter le commentaire d’Origène sur Matthieu, mais il semble qu’il emploie la version longue. Cependant, les tenants de la version courte s’en tiennent à quelques passages comme celui-ci : « Allez et faites de toutes les nations des disciples en mon nom, en leur apprenant à observer tout ce que je vous ai commandé » (Eusèbe, Démonstration 3.6).
Or, j’ai lu que Peter M. Head, Sir Kirby Laing – Senior Lecturer in New Testament at Tyndale House (ainsi que Affiliated Lecturer in New Testament at the University of Cambridge), est également particulièrement qualifié pour répondre à cette question, étant donné que son domaine d’expertise est la critique textuelle du NT et qu’il a tenu des séminaires de doctorat sur l’histoire ecclésiastique d’Eusèbe. Il explique que l’omission de la phrase peut être expliquée par la tendance d’Eusèbe à abréger, car Eusèbe cite souvent la forme la plus longue [Contre Marcellum I.1.9 ; I.1.36 ; Theologia III. 5.22 ; EpCaesarea 3 (Socrate, Eccl. Hist 1.8) ; Psaumes 117.1-4 ; Theophania 4.8]. 
La lecture plus courte « en mon nom » pourrait avoir été formée en harmonisant Luc 24.47 et Marc 16.17 (comme cela semble se produire dans Psaumes 59.9). 
Notons qu’Eusèbe fait également allusion à ce passage sans utiliser ni « en mon nom » ni la clause complète [Demonstratio 1.3, 4, 6 ; Psaumes 46.4 ; 95.3 ; 144.9 ; Isaïe 41.10 ; Theophania 3.4 ; Theologia III.3]. 

Voilà donc un résumé des sources montrant que la formule trinitaire a toujours été présente dans les plus anciens manuscrits et prononcé lors du baptême. Ceux qui nient cela n’ont qu’à apporter des preuves pour soutenir leur thèse. 

Un grand merci à Jonathan Caplot pour son aide dans les ressources.

1 Commentaire

  1. Rossetto Renata-Sylvie

    Que la paix soit avec toi Alexandre !

    Merci pour ton travail.

    Gloire soit rendue à Dieu nôtre Père Céleste et au Seigneur Jésus Christ.

    Réponse

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