Ponce Pilate
Pilate, de sa forme grec Πιλᾶτος – Pilatos, fut un préfet romain de Judée entre 26 et 37 apr. J.-C. On le connaît pour avoir été le personnage majeur dans le procès de Jésus de Nazareth qui aboutit à la crucifixion. Il semblerait, d’après certains historiens, qu’il serait originaire de Lugdunum (aujourd’hui Lyon) où son père aurait occupé un poste de haut fonctionnaire romain. Peut-être, est-ce pour cette raison qu’à la fin de sa vie, il retournera dans cette région.
1. Les sources
2. Le gouvernement de Pilate
3. L’exécution de Jésus
4. Le départ de Judée et la fin de Pilate
1. Les sources
C’est principalement dans le Nouveau Testament et les références à son nom sont assez nombreuses, 55 fois précisément : chez Matthieu, ce nom résonne 8 fois et uniquement dans le chapitre 27, 10 fois chez Marc et exclusivement dans le chapitre 15, 12 fois chez Luc, 19 fois dans l’Évangile de Jean réparties dans les chapitres 18 et 19 et les Actes (3.13 ; 4.27-28 ; 13.28) et enfin 1 Timothée 6.13.
Dans les sources externes, c’est essentiellement chez Flavius Josèphe que l’on trouve matière sur la vie de Pilate en tant que Préfet de Judée (Guerre des Juifs, livre II, 169-177 ; Les Antiquités judaïques, livre XVIII, 35, 55-62, 85-89) mais aussi chez Philon d’Alexandrie (Legat. 299-305), chez Tacite (Annales, XV, 44, 3) : Ce nom leur vient de Christ, qui, sous Tibère, fut livré au supplice par le procurateur Ponce Pilate. Et enfin, Eusèbe de Césarée lui adresse un chapitre dans son Histoire ecclésiastique, livre II – 7.
Hormis les textes du Nouveau Testament et quelques mentions chez quatre autres auteurs, il convient de mentionner une découverte archéologique majeure au sujet de Pilate, découverte qui est la preuve même de son existence. En 1961, des fouilles ont été menées par une équipe milanaise, au Nord de Tel Aviv, à Césarée. Les archéologues ont mis à jour un bloc de calcaire qui porte la mention « Ponce Pilatus, gouverneur de Judée ». Ce bloc est aujourd’hui exposé au musée de Jérusalem. Notons aussi que des pièces de monnaie témoignent de son règne en Judée. On trouve une série de pièces de bronze datées des années 29/30, 30/31, 31/32.
2. Le gouvernement de Pilate
Le gouvernement de Judée était, selon la cité de Rome, réservé à l’ordre équestre. Ce qui a fait dire que Pilate devait très certainement faire partie de cette classe aristocratique. L’Empereur Tibère contribua à l’élaboration du cursus honorum (comprenez le « parcours des honneurs »). Pilate aurait donc suivi lui aussi ce cursus, ce qui lui aurait permis d’accéder au titre de Préfet de Judée. Les pouvoirs qui lui étaient délégués de Rome pouvaient jusqu’à disposer du droit de vie et de mort d’un individu. C’est dire l’autorité dont Pilate jouissait. Pilate vivait au quartier général romain de Césarée avec un petit entourage et un corps de troupes auxiliaires, toutefois il n’hésitait pas à se rendre à Jérusalem pendant les fêtes juives pour maintenir l’ordre.
Flavius Josèphe relate un fait qui nous apprend que Pilate entrepris d’envoyer un corps de troupes pour l’hiver à la forteresse Antonia de Jérusalem. Les enseignes des troupes arboraient des images de l’empereur, chose qui était interdites par la loi juive, ce qui poussa un grand nombre de Juifs à encercler la maison de Pilate à Césarée pendant cinq jours pour s’en plaindre. Le sixième jour, Pilate ordonna à ses hommes de dégainer leurs épées mais voilà que les Juifs tendirent leur cou dénudé et se déclarèrent prêts à mourir plutôt que de transgresser la loi mosaïque. Pilate, surpris et étonné de leur détermination, fit tout de même retirer les enseignes (Josèphe, La guerre des Juifs II, 169-174 ; Les Antiquités judaïques XVIII, 55-59). Cet incident est généralement daté du premier hiver de Pilate, en l’an 26 ; il est mentionné en tête dans la chronique de Josèphe et tout ceci ressemble bien à la mise à l’épreuve de l’opinion publique par un nouveau gouverneur.
Quelque temps plus tard, Pilate entreprend et commande la construction d’un aqueduc à Jérusalem. Le projet sera financé par les fonds excédentaires du Temple mais, une fois de plus, des troubles éclatèrent, dont la cause précise reste quelque peu obscure. Pilate aurait-il dépensé trop d’argent ? Ou y avait-il un problème avec le tracé de l’aqueduc (p. ex. le passage par un lieu de sépulture) ? En tout cas, quelle qu’en soit la cause, lorsque Pilate se rendit à Jérusalem, son tribunal fut encerclé par des manifestants en colère. À son signal, des soldats en civil les frappèrent à coups de matraque et en tuèrent un grand nombre (Josèphe, La guerre des Juifs II, 172-174; Les Antiquités judaïques XVIII, 60-62)
Philon d’Alexandrie raconte l’épisode dans lequel Pilate aurait fait installé des boucliers d’or en l’honneur de l’empereur dans son quartier général de Jérusalem, le palais d’Hérode Iᵉʳ (le praetorium). Cependant, ces boucliers ne portaient aucune effigie, mais y était inscrit le nom complet de Tibère, y compris sa désignation de « fils du divin Auguste ». Cette référence à un dieu païen, à Jérusalem, va provoquer des troubles, jusqu’à ce que quatre des fils d’Hérode (dont probablement Antipas et Philippe) demandent à Pilate de retirer ces boucliers offensants. Devant son refus, ils firent part de leur grief à Tibère, qui ordonna à Pilate de déplacer les boucliers au temple d’Auguste à Césarée.
Le récit de Philon est très négatif sur le caractère de Pilate : « il avait un caractère inflexible et en plus de son impertinence, acariâtre », et son administration témoigne « de ses concussions, de ses violences, de ses rapines, de ses brutalités, de ses tortures, de la série de ses exécutions sans jugement, de sa cruauté épouvantable et sans fin » (Legat. 301-302)
Pour revenir à la découverte archéologique de Césarée, l’inscription porte sur la première ligne « Tiberieum », ce qui aurait pu être vraisemblablement un temple construit en l’honneur de l’empereur.
3. Le procès et la mort de Jésus
Les quatre évangiles relatent tous le procès de Jésus devant Pilate. Les trois évangiles synoptiques sont plus discrets à relater des détails, là où pourtant, chez Jean, ils abondent. Il va jusqu’à nous faire pénétrer dans le prétoire pour y entendre l’entretien entre Jésus et Pilate. Après une comparution immédiate, Pilate ne trouve de motif pour une condamnation à mort. Ce geste symbolique, je m’en lave les mains, montre la volonté de Pilate, face au peuple de ne pas prendre sa responsabilités dans le meurtre de Jésus. Surtout que l’intervention de sa femme, perturbée par le songe qu’elle à eu, ne l’a certainement pas aidé. Aussi est-il soulagé d’apprendre que Jésus est galiléen, ce qui revient donc à Hérode de prendre une décision dans ce jugement et justement, ce dernier est à Jérusalem. Le silence de Jésus face à Hérode n’arrange rien. Les deux protagonistes se renvoient la balle. Nous lisons qu’a maintes reprises, Pilate ne cherche pas forcément à faire crucifier Jésus, mais la pression de foule le contraint à céder. Pilate le leur livre pour qu’il soit crucifié.
Avant le coucher du soleil, Joseph d’Arimathie ose aller demander à Pilate le corps de Jésus afin de l’embaumer. Le préfet de Judée s’étonnera même de ce qu’il soit mort si rapidement.
4. Le départ et la fin de Pilate
Vers la fin de l’année 36, voilà qu’un soit-disant « messie » samaritain rassemble à sa suite une grande foule de disciples. Ce “messie” les conduit au pied du mont Garizim, prétendant qu’au sommet de la montagne ’il va leur révéler les vases sacrés cachés par Moïse. Mais avant même qu’ils ne commencer leur ascension, Pilate envoya un détachement de cavalerie et d’infanterie lourdement armée pour leur barrer la route, une bataille s’ensuivit, faisant de nombreuses victimes. Les chefs samaritains s’en plaignirent auprès du légat syrien Vitellius, qui ordonna à Pilate de rendre compte de ses actes devant l’empereur Tibère. Pilate est suspendu de ses fonctions et doit se rendre à Rome. Le gouvernement de Judée passe entre les mains de Marcellus. Mais, voilà, Pilate arrive à Rome trop tard. Tibère meurt le 16 mars de l’an 37, et à son arrivée à Rome se trouve Gaïus Caligula qui règnera jusqu’en 41 sur le trône impérial (Josèphe, Les Antiquités judaïques XVIII, 85-89).
Qu’est devenu Pilate par la suite ? Nous ne le savons pas de par les sources historiques. Cependant, plusieurs traditions et légendes ont circulé, mais rien de sûr. Après un gouvernement de plus de dix ans en Judée, il semblerait que Caligula ait décidé de muter Pilate ailleurs, puis on ne sait plus rien à son sujet. Sa triste fin la plus connue serait celle de son suicide, en prison. Histoire relaté dans la Légende dorée de Jacques de Voragine, un récit écrit en latin daté du XIIIe (voir aussi l’Historia apocrypha).
Quelques traditions douteuses prétendent qu’il fut envoyé en exil à Vienne, en Gaule, de là où il était originaire et que finalement, il se suicida. D’autres, plus incertaines encore, disent qu’il fut décapité sous Néron (54-68).
D’après une légende médiévale tardive, le corps de Pilate aurait jeté dans le lac de l’Oberalp en Suisse, et qu’une fois par an, le Vendredi saint, il apparaîtrait assis sur une chaise, au milieu des eaux, vêtu d’une robe pourpre, la tenue des juges. Bien évidement, nous sommes là en pleine légende telles que l’on aimait les raconter au Moyen Âge.
Mais, pour combler ces lacunes, toute une littérature apocryphe s’est mise à foisonner. Certains récits tentent de réhabiliter une image plutôt positive de Pilate. Pas si loin de nous, Paul Claudel, dans son livre intitulé Le point de vue de Ponce Pilate et publié en 1933 tenta lui aussi de redonner un aspect positif au Préfet de Judée.
On trouve dans les Évangiles apocryphes des passages de la vie de Pilate, des récits fantaisistes comme Pilate se présentant devant Tibère revêtu de la tunique pourpre pour justifier la raison de la mise à mort de Jésus. Bref, de quoi alimenter l’imagination de certains.
Voici la liste des Évangiles apocryphes relatant des faits de la vie et la mort de Pilate :
- l’Évangile de Nicodème (27 chapitres), qui comprend deux parties :
1) les Actes de Pilate (ch. 1-16)
2) la Descente de Christ aux enfers (ch. 17-27) - le Rapport de Pilate à Tibère
- la Déclaration de Joseph d’Arimathie
- une Lettre de Pilate à l’Empereur Claude
- la Vengeance du Sauveur
- le livre du coq
- la Mort de Pilate
Il est à noter que, de par l’estime qu’ont les Églises orthodoxes éthiopiennes ainsi que les Églises coptes à l’égard de certains de ces livres apocryphes, Pilate et sa femme sont jugés moins sévèrement et de ce fait, elles les ont tous deux canonisés et les vénèrent donc comme des saints.
Lire aussi : Qui était Claudia Procula ?
Extrait tiré de la Mort de Pilate ♦ Écrits apocryphes chrétiens, tome 2 – La Pléaide.
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