L’année 2021 a vu le 75e anniversaire de la mort d’Anne Frank, connue comme l’une des figures juives les plus emblématiques parmi les victimes de la Shoah. On évoque très souvent en souvenir « Le Journal d’Anne Frank » pour ne pas oublier la haine et le mépris dont les Juifs ont été la cible pendant la Seconde Guerre mondiale.
Johannesburg-1994. Dans son discours, après avoir reçu un prix humanitaire de la Fondation Anne-Frank, Nelson Mandela déclara avoir lu le Journal d’Anne Frank pendant son emprisonnement et que celui-ci lui avait donné beaucoup de courage. Il compara la lutte d’Anne Frank contre le nazisme avec sa lutte contre l’Apartheid.
Biographie
La jeune Anne est née le 12 juin 1929 à Francfort-sur-le-Main en Allemagne et morte probablement du typhus en février/mars 1945 au camp de Bergen-Belsen avec sa sœur Margot. Elle est la fille de Otto et Édith Frank. La petite famille est originaire de l’Allemagne et mène une vie assez tranquille. Mais en mars 1933, c’est le parti nazi d’Adolf Hitler qui l’emporte. Aussitôt, les juifs sont vus comme la peste à cause de la propagande hitlérienne. Des manifestations antisémites ont immédiatement lieu et les Frank commencent à craindre pour leur sécurité. Cette même année, Édith et les deux enfants se rendent à Aix-la-Chapelle pour habiter avec Rosa Holländer, la mère d’Édith. Otto Frank reste à Francfort dans une grande insécurité mais après avoir reçu une offre pour démarrer une affaire à Amsterdam, il s’y rend pour organiser la société et préparer la venue de sa famille.
La famille Frank s’installe donc à Amsterdam en février 1934. Anne suivra l’école selon la méthode Montessori, mais l’ennemi est aux portes et, en mai 1940, les nazis envahissent les Pays-Bas. Craignant une menace, Otto aménage au-dessus des bureaux de la société Opekta, une planque où ils pourront se cacher. Le temps est compté. Juillet 1942, le bruit que plusieurs juifs ont été embarqués de force et envoyés vers une destination inconnue terrorise la famille et leurs amis. Otto monte un scénario et laisse leur appartement en désordre, faisant croire que la famille est partie en Suisse.
A partir du 6 juillet 1942 au matin, la famille va s’installer dans la cachette avec quatre autres amis juifs. Seuls quatre personnes sont au courant que la famille Frank se cache derrière la bibliothèque, dans un espace aménagé à trois niveaux, situé à l’arrière du bâtiment. Cet espace est appelé « l’Annexe ».
C’est durant cette période que la jeune Anne rédigera son journal, donnant ses impressions, ses ressentis, l’ambiance du moment et ses états-d’âme. Ces écrits nous aident à comprendre et ressentir l’oppression qui planait à cette période sombre de l’histoire, du point de vue d’une adolescente.
Mais un jour fatidique va mettre un terme à cet isolement. Le 4 août 1944, entre 10 h et 10 h 30, la cachette est découverte par le Sicherheitsdienst (sécurité de police allemande) et tous sont envoyés dans un wagon à bestiaux vers les camps en Allemagne. Édith, la mère d’Anne et Margot, tombe malade et meurt de faim et d’épuisement à l’infirmerie d’Auschwitz le 6 janvier 1945, âgée de 44 ans.
Grâce à l’Armée rouge, le camp d’Auschwitz où se trouve Otto Frank est libéré le 27 janvier 1945. De retour à Amsterdam, il cherche à savoir ce que sont devenues sa femme et ses deux filles mais l’espoir est de courte durée. Il est informé que sa femme est morte à Auschwitz et que ses filles ont été transférées à Bergen-Belsen. Finalement, la Croix-Rouge lui apprendra en juin 1945, les décès d’Anne et Margot. C’est seulement à ce moment que Miep (dont nous parlerons une autre fois) lui donne le journal d’Anne, l’un des rares objets qu’elle a réussi à sauver.
Des huit clandestins juifs réfugiés dans la cachette, seul Otto Frank, le père d’Anne reste survivant. Il meurt en 1980 à l’âge de 91 ans.
Le journal, un moyen d’expression
12 juin 1942. La jeune Anne vient d’avoir 13 ans. Pour marquer cette occasion, son père lui offre ce cahier qu’elle désirait tant. Petit journal intime avec sa couverture molletonnée rouge et blanche quadrillée. Toujours vierge, ce journal n’attend que ses notes.
Lors de ses premiers écrits, Anne et sa famille ne sont pas encore dans la situation de clandestins, calfeutrés dans « l’Annexe » et elle peut, tout comme les autres enfants, continuer d’aller à l’école. Elle se cherche un confident. « Je vais pouvoir, j’espère, te confier toutes sortes de choses, comme je n’ai encore pu le faire à personne, et j’espère que tu me seras d’un grand soutien », écrit-elle le 12 juin 1942, en guise d’introduction comme cadeau d’anniversaire pour ses 13 ans. Les jours et les mois suivants, elle rédigera sur ces pages des dizaines de lettres, adressées à « Kitty », un personnage imaginaire. La dernière page de son journal s’achève le 1er août 1944. Deux années à écrire et le reste pour se souvenir…
En France, l’obligation de porter l’étoile jaune date du 7 juin 1942. Cette obligation concerne tous les Juifs de plus de 6 ans et désormais les Pays-Bas y sont contraints. Dans son journal, en date du 20 juin 1942, Anne énumère tout ce qui est désormais interdit aux Juifs.
Extrait du Journal d’Anne Frank
« À partir de mai 1940, c’en était fini du bon temps, d’abord la guerre, la capitulation, l’entrée des Allemands, et nos misères, à nous les juifs, ont commencé.
Les lois antijuives se sont succédées sans interruption et notre liberté de mouvement fut de plus en plus restreinte.
Les Juifs doivent porter l’étoile jaune ;
les Juifs doivent rendre leurs vélos ;
les Juifs n’ont pas le droit de prendre le tram ;
les Juifs n’ont pas le droit de circuler en autobus, ni même dans une voiture particulière ;
les Juifs ne peuvent faire leurs courses que de trois heures à cinq heures,
les Juifs ne peuvent aller que chez un coiffeur juif ;
les Juifs n’ont pas le droit de sortir dans la rue de huit heures du soir à six heures du matin ;
les Juifs n’ont pas le droit de fréquenter les théâtres, les cinémas et autres lieux de divertissement ;
les Juifs n’ont pas le droit d’aller à la piscine, ou de jouer au tennis, au hockey ou à d’autres sports ;
les Juifs n’ont pas le droit de faire de l’aviron ;
les Juifs ne peuvent pratiquer aucun sport en public ;
les Juifs n’ont plus le droit de se tenir dans un jardin chez eux ou chez des amis après huit heures du soir ;
les Juifs n’ont pas le droit d’entrer chez des chrétiens ;
les juifs doivent fréquenter des écoles juives, et ainsi de suite, voilà comment nous vivotions et il nous était interdit de faire ceci ou de faire cela. »
La rédaction de son journal peut se découper en deux périodes. Jusqu’au printemps 1944, ses écrits sont personnels comme un journal intime. Mais un beau jour, elle entend à la radio de Londres, le ministre de l’Éducation du gouvernement néerlandais qui alors était en exil, dire qu’après la guerre il faudrait rassembler et publier tout ce qui avait trait aux souffrances du peuple néerlandais pendant l’occupation allemande. Il cite à titre d’exemple entre autres, les journaux intimes.
C’est comme un écho qui résonne en elle. Anne décide alors qu’elle publiera un livre après la guerre et pour ce faire elle va utiliser son journal comme base de travail. Elle entame dès lors un travail de réécriture, corrigeant ou supprimant les passages qu’elle juge peu intéressants. Deux cahiers seront constitués. Le premier débute du 22/12/1943 au 17/04/1944. Le deuxième porte la devise : L’élan, comme pour garder l’espoir en ces temps troublés. Parallèlement, elle continuera à écrire régulièrement dans son journal jusqu’à la dernière lettre datée du 1er août 1944.
Quelque temps plus tard, Otto décide de publier le journal. Le 25 juin 1947 paraît Le Journal d’Anne Frank avec un tirage à 3000 exemplaires. Anne passe de l’ombre à la lumière et devient ainsi une étoile brillante, porteuse d’espoir au milieu de la nuit. L’histoire ne s’arrête pas là : le livre sera traduit en près de 70 langues dès 1959.
En 1960, l’Annexe deviendra : la Maison d’Anne Frank et un musée y sera installé. Jusqu’à sa mort en 1980, Otto restera très impliqué dans la Fondation Anne Frank et la dynamique du musée : il espère que grâce au Journal, les lecteurs prendront conscience des dangers de la discrimination, du racisme et de l’antisémitisme.
Aujourd’hui, le Journal d’Anne Frank est synonyme de la lutte contre l’antisémitisme. Ce combat doit se poursuivre de génération en génération afin d’entretenir la mémoire pour ne jamais oublier.
Bien que connaissant l’histoire d’Anne Franck, le fait de lire ce récit et voir son visage m’a bouleversé tout à nouveau. Message pour aujourd’hui. Merci bibliorama !
Comment rester insensible…
Ce journal nous avait été imposé par mon professeur en secondaire et comme il avait bien raison de nous le proposer. … Un ouvrage qui fait référence à mettre entre toutes les mains.