29 mai 2020
Alexandre Nanot

Actes 2.3 : Des langues de feu

1. Introduction

Très longtemps, j’ai essayé de comprendre cette manifestation qu’est le parler en langue et pourquoi dans le passage d’Actes 2 la manifestation liée à la pentecôte s’est exprimée par une expression vocable qu’on appelle « la glossolalie ». Familiarisons-nous avec ce mot car il est  d’un usage assez fréquent chez l’apôtre Paul. Il est composé de deux mots : γλῶσσα – glossa qui se traduit par langue, c’est-à-dire l’organe mais par extension la langue des nations et λαλέω laléo du verbe parler, raconter. La glossolalie, c’est le parler en langue.

D’origine pentecôtiste, j’ai toujours été bercé par cette mélodie, par tradition disons-le. Je n’ai jamais considéré le parler en langue comme un phénomène mystique ou extatique, car j’ai grandi dans cet environnement-là, puis plus tard je l’ai expérimenté moi-même. Mais en scrutant le texte d’Actes 2, je cherchais un renvoi dans la première alliance ou un événement similaire qui serait comme un accomplissement prophétique, mais rien d’apparent au premier abord, tout du moins enfin en surface.
Puis un jour, j’ai voulu me pencher un peu plus sérieusement sur ce phénomène.

Le chapitre 2 commence ainsi : Le jour de la Pentecôte…..tiens, tiens, voilà déjà un détail intéressant. L’expérience de la Pentecôte s’est déroulée 50 jours après la Pâque ou 10 jours avant l’ascension. Le nom pentecôte vient du grec pentêkostề – cinquantième. Nous savons que le don de torah au Sinaï a eu lieu à Shavouot, c’est-à-dire à Pentecôte.

C’est la première Pâque instituée par l’Éternel, le peuple hébreu, sous la conduite de Moïse, sort du pays d’Égypte après un séjour de 210 ans. Dieu les conduisit par une colonne de nuée le jour et une colonne de feu la nuit. Le peuple s’est arrêté au pied du mont Sinaï et là Dieu a commandé au peuple de se sanctifier en vue d’un événement particulier et pas n’importe lequel : Dieu va descendre et va donner les dix paroles. Exode 19. 10-25 et Exode 20. 1-18

Le troisième jour au matin, il y eut du tonnerre, des éclairs et une épaisse nuée sur la montagne ; le son du cor retentit fortement ; et tout le peuple qui était dans le camp se mit à trembler. Moïse fit sortir le peuple du camp à la rencontre de Dieu et ils se placèrent au bas de la montagne. Le mont Sinaï était tout en fumée, parce que l’Éternel y était descendu au milieu du feu ; cette fumée s’élevait comme la fumée d’une fournaise, et toute la montagne tremblait avec violence.

Exode 19.16

Tout le peuple voit les voix, les torches, la voix du shophar, la montagne fumante. Le peuple voit

Exode 20.18

Le don du Saint-Esprit, les langues de feu et le don de la Torah, quel rapport me direz-vous ? Nous avons là assez d’éléments pour constater un parallèle entre cette manifestation du Sinaï et celle de la chambre haute. Relisons ce passage :

Quand se remplit le jour de la Pentecôte, ils étaient tous ensemble dans le même lieu.
Et c’est tout d’un coup un bruit du ciel, comme la venue d’un souffle violent ;
il remplit toute la maison où ils sont assis.
Leur apparaissent des langues, comme de feu ;
elles se partagent et se posent une sur chacun d’eux.
Ils sont tous remplis de l’esprit saint. Ils commencent à parler en d’autres langues,
selon ce que le souffle leur donne d’énoncer.
Or à Jérusalem séjournent des Juifs, des hommes fervents de toutes les nations sous le ciel.
Comme cette voix surgit, une grande multitude se réunit,
stupéfaite parce que chacun les entend parler dans son propre dialecte.

Actes 2.1-6

Nous pouvons donc avec raison dire que le don du Saint-Esprit sur les 120 réunis le matin de la pentecôte est une réédition du don de la Torah qui eut lieu au Sinaï en 1312 av J-C. Tout le peuple était assemblé comme un seul homme et il en est de même pour les 120 qui sont tous ensemble en un même lieu. C’est d’ailleurs ainsi que le targoum de Jonathan ben Uzziel traduit : Israël campa là d’un cœur uni au pied de la montagne.

2. En quelles langues Dieu s’est-il révélé au Sinaï ?

Le verset de Jérémie 23. 29 : « Ma parole n’est-elle pas comme un feu, oracle de YHWH, et comme un marteau qui pulvérise le rocher ? » est souvent interprété par les sources rabbiniques comme une allusion à l’infinité des interprétations possibles (de même qu’un marteau fait jaillir du rocher des myriades d’étincelles, de même la parole divine doit être source d’interprétations toujours renouvelées), mais aussi comme une allusion à la révélation. 

Mais à la question qui nous occupe, à savoir : quand Dieu s’est adressé à son peuple au Sinaï pour lui donner les dix commandements, en quelle langue s’est-il exprimé ? Un verset du Deutéronome va nous éclairer.

YHWH est venu du Sinaï, il s’est levé vers eux du pays de Se’ir ; il a resplendi du mont de Paran, il est venu de Meribat Qadeš.

Deutéronome 33.2

Lorsque le Saint, béni soit-Il, s’est révélé pour donner la Torah à Israël, il ne l’a pas fait d’une direction mais de quatre directions (…) ; il ne leur a pas parlé en une seule langue mais en quatre langues, comme il est dit (Deutéronome 33.2) 

« YHWH est venu du Sinaï » – c’est la langue hébraïque (lachon ‘ ivri) ; 

« il s’est levé vers eux du pays de Se’ir » – c’est la langue latine (lachon romi) ; 

« il a resplendi du mont de Paran » – c’est la langue arabe (lachon ‘ aravi); 

« il est venu de Meribat Qadeš » – c’est la langue araméenne (lachon ’ arami). (Sifré Deut., § 343)

Ce texte du 4e siècle interprète le début des bénédictions de Moïse (Deutéronome 33.2). Quatre lieux y sont mentionnés, et l’interprétation rabbinique les associe à quatre langues, en se fondant sur d’autres versets. 

  • Le Sinaï est lié à l’hébreu, la langue par laquelle Dieu s’est révélé au Sinaï.
  • Se’ir représente traditionnellement Rome, en fonction de Gen 32,4 (cf. « à Se’ir, au pays d’Edom » , or Edom, patrie d’Esaü, est assimilé à Rome dans toute la littérature talmudique) et par extension dans la lecture apocalyptique, Edom représente l’occident.
  • Paran, c’est l’Arabie (à cause de Gen 21,21, «Ismaël s’installa dans le désert de Paran »)
  • enfin, le verbe employé dans ce texte poétique pour « il est venu de Meribat Qadeš » est ’ atah, verbe araméen

D’autres passages évoquent une révélation en soixante-dix langues, en se fondant sur un pluriel inattendu dans le texte biblique (Ex 20,18) : Et tout le peuple voyait les voix » (Ex 20, 18). Il n’est pas écrit « la voix » (haqqol), mais « les voix » (haqqolot).

Peu de traducteurs ont rendu correctement ce sens comme l’a fait Chouraqui : Tout le peuple voit les voix, les torches, la voix du shophar, la montagne fumante. Le peuple voit. A la place, nous trouvons le plus souvent le mot « les tonnerres ».

Rabbi Yoḥanan dit : la voix [de Dieu] sortait et se divisait en soixante-dix voix pour les soixante-dix langues (lašon), pour que toutes les nations l’entendent, et chaque nation l’entendait dans sa langue ». (Midrach Rabbah Chemot 5, 9)

Le monde selon la bible est divisé en 70 nations pour deux raisons. La première est liée aux trois fils de Noé qui ont repeuplé la terre. On trouve une longue liste de noms et de peuples au chapitre 10 de la Genèse, si vous faites le décompte, vous en compterez 70. Ces 70 sont la base de toutes les nations venues ensuite. On appelle communément ce passage : La table des nations.

L’autre explication au verset 5 du premier chapitre de l’Exode. Il nous est dit que sont descendus en Égypte 70 personnes, Israël et ses fils et toutes leurs familles.

Il y aurait à dire mais dans ces 70, on peut dire que chacune des nations est représentée par un des fils d’Israël. Idée que l’on retrouve dans ce verset : « Quand le très-Haut a fixé l’héritage des nations, quand il a séparé les enfants d’Adam, il a établi les frontières des peuples d’après le nombre des enfants d’Israël » (Deut 32.8).

Psaumes 68.12 : Le Seigneur donne une parole, et les messagères de bonnes nouvelles sont une grande armée. De ce verset, on tire l’enseignement que la torah a été donnée dans le Sinaï, un endroit qui n’appartenait à aucun peuple en particulier mais à toutes les nations. Quand Dieu a prononcé ces dix paroles, elles ont été traduites dans 70 langues de sorte à ce qu’elles aillent jusqu’aux extrémités de la terre, vers toutes les nations.

Nous comprenons mieux à présent pourquoi dans Actes 2, l’expression du parler en langues se soit manifestée ce jour-là. Ce n’était pas un fait nouveau mais un accomplissement prophétique du don de la Torah. On peut y voir une guérison du jugement de la tour de Babel où les langues deviennent confuses et provoquent une dispersion des nations et le don des langues comme signe d’unité de retour vers Dieu.

3. La glossolalie d’Actes 2

Quand nous lisons le récit des versets 1 à 13, nous voyons une progression dans les détails qui nous sont donnés.

v.4 : Ils se mirent à parler en d’autres langues. Il est question donc d’une manifestation vocale qui s’exprime par la parole.

v.6 : chacun les entendait parler dans sa propre langue. Il s’agit d’un langage compréhensible et non monosyllabique comme on le constate parfois. 

v.8 : Comment les entendons-nous chacun dans notre propre langue maternelle. Pour le coup, il s’agit de langues connues, que les juifs de la diaspora ont reconnues tout de suite. Il s’agissait de dialecte ou de patois mais pas de charabia comme l’a traduit la Pléiade.

v.11 : nous les entendons parler dans nos langues des merveilles de Dieu.

Enfin, il nous est dit ce qu’ont entendu les juifs dans leur langue, étaient des paroles de louange. 

Donc, nous dit-on, bien que les 120, saisis par l’Esprit se mettent à parler dans une langue, selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer, ils ont parlé une langue qu’eux-mêmes ne connaissaient et n’avaient jamais apprise. C’est là le miracle de Dieu et le caractère surnaturel de ce don. La capacité de parler par l’Esprit de parler dans une langue que l’on n’a jamais apprise. Et là, je fais très attention à ce que je dis car une mauvaise compréhension ou interprétation de ce phénomène peut nous amener sur un terrain dangereux.

Ceux qui ont fait cette expérience ou assisté à de telles manifestations savent faire la différence entre du charabia ou du parler monosyllabique, et une construction posée de mots et de phrases. N’est-ce pas l’un des signes que Jésus décrit dans 

Voici les signes qui accompagneront ceux qui auront cru : En mon nom, ils chasseront les démons ; ils parleront de nouvelles langues.

Marc 16.17

Le grec emploi deux mots pour “nouveau” néos pour dire une chose nouvelle comme revisitée ou revue en termes de qualité et l’autre mot kainos, celui employé dans le passage en question et qui veut dire – jamais porté – jamais utilisé.

Donc Jésus dit que ceux qui auront cru parleront des langues nouvelles, qu’ils n’ont jamais auparavant parlées, étudiées ou exploitées mais une langue qui existe ou a existé comme un vieux celte ou un dialecte zoulou. 

Paul reprend la même idée dans le chapitre 14 de la première lettre aux Corinthiens. 

v.5 : Je veux que vous parliez tous en langues

v.10 : Quelque nombreuses que puissent être dans le monde les diverses langues, il n’en est aucune qui consiste en sons inintelligibles. (On en recense pas moins de 6300 à ce jour)

v.17 : Tu rends, il est vrai, d’excellentes actions de grâces.

4. Une langue étrangère non apprise ?

Pour certains, le parler en langues consiste à parler une (vraie) langue étrangère qu’il n’a jamais apprise. En langage technique, on parle de « xénoglossie » ou de « xénolalie » xéno signifiant étranger. C’est ce que suggère donc la lecture de Actes 2 : les disciples se mettent à parler en langues, une langue qu’ils n’ont jamais apprise, et les étrangers les entendent parler dans leur langue.

Dans ce cas, le don d’interprétation consisterait en une traduction de cette langue étrangère. C’est un des sens courants du terme grec qu’on traduit par « interprétation ou traduction ».

Si Pentecôte est premièrement liée au don de la torah au Sinaï, c’est parce que Dieu écrivit de son doigt les 10 commandements sur des tables de pierre. La deuxième pentecôte à Jérusalem est une réédition de ce phénomène mais cette fois-ci écrite sur les tables du cœur. 

Dieu est à l’origine des langues lors de la confusion du jugement de Babel et c’est l’Esprit de Dieu qui donne selon sa volonté la capacité de s’exprimer dans une langue étrangère que l’on ne connaît pas.

Jérémie 31.31 : Voici que les jours viennent, — Oracle de l’Éternel —,
Où je conclurai avec la maison d’Israël et la maison de Juda
Une alliance nouvelle,
32 Non comme l’alliance que j’ai conclue avec leurs pères,
Le jour où je les ai saisis par la main
Pour les faire sortir du pays d’Égypte,
Alliance qu’ils ont rompue,
Quoique je sois leur maître,
— Oracle de l’Éternel.
33 Mais voici l’alliance
Que je conclurai avec la maison d’Israël,
Après ces jours-là, — Oracle de l’Éternel — :
Je mettrai ma loi au-dedans d’eux,
Je l’écrirai sur leur cœur ;
Je serai leur Dieu, Et ils seront mon peuple.

Ezekiel 36. 24 : Je vous retirerai d’entre les nations, je vous rassemblerai
de tous les pays et je vous ramènerai sur votre territoire.

25 Je ferai sur vous l’aspersion d’une eau pure, et vous serez purifiés ;
je vous purifierai de toutes vos souillures et de toutes vos idoles.

26 Je vous donnerai un cœur nouveau et je mettrai en vous un esprit nouveau ;
j’ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair.

27 Je mettrai mon Esprit en vous et je ferai que vous suiviez mes prescriptions,
et que vous observiez et pratiquiez mes ordonnances.

1 Commentaire

  1. Schadrac

    Que le Seigneur soit béni pour ce cours qui vient de m’instruire d’avantage

    Réponse

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