20 Et Noah – homme du sol – commença et il planta une vigne.
21 Et il but du vin et s’enivra, et se découvrit au milieu de sa tente.
22 Et Ham, père de Canaan, vit la nudité de son père, et le rapporta dehors à ses deux frères.
23 Et Shem et Yaphet prirent le manteau, et ils le placèrent sur l’épaule, les deux ; et ils allèrent en arrière, et ils couvrirent le sexe de leur père ; et comme leurs visages étaient en arrière, ils ne virent point le sexe de leur père.
24 Et Noah – réveillé de son vin – apprit ce que son fils cadet lui avait fait.
25 Et il dit : Maudit soit Canaan. Qu’il soit le serviteur des serviteurs de ses frères.
26 Et il dit encore : béni soit יהוה, le Dieu de Shem, et que Canaan soit leur serviteur.
27 Que Dieu mette au large Yaphet, et qu’il habite dans les tentes de Shem, et que Canaan soit son serviteur.
28 Et Noah vécut, après le déluge, trois cent cinquante ans.
29 Et tous les jours de Noah furent de neuf cent cinquante ans ; et il mourut.
(traduction Alexandre NANOT, Livre de la Genèse © 2022)
Noé, un homme de la terre
Le récit nous dit que Noé, homme de la terre, planta une vigne. Noah, ish ha-adama = Noé, homme du sol. On peut aussi comprendre Noé, « homme de la lignée d’Adam », car il y a un parallèle entre Adam et Noé : Noé travaille la terre en sortant de l’arche et Adam travaille la terre ayant été chassé du jardin. Dans ce jardin, la consommation du fruit modifie l’état de conscience. Certains commentateurs pensent que le fruit proposé par le serpent était celui de la vigne.
Je citerai ici un Midrach qui illustre assez bien les conséquences de l’ivresse :
On raconte qu’au moment où Noé planta sa vigne, le Satan vint et s’approcha de lui. Il lui proposa un marché. Occupons-nous ensemble à trouver un engrais convenable.
Satan apporta alors successivement une brebis, un lion, un tigre, un porc et enfin un singe. Il sacrifia tour à tour ces animaux, de façon que leur sang, pénétrant dans le sol et de là dans le suc de la vigne, se mêlât dans le raisin. L’astucieux Satan savait bien ce qu’il faisait.
Aujourd’hui encore, les caractères des animaux qu’il a choisis se montrent dans les effets du vin. S’il boit un peu de vin, l’homme est doux comme la brebis. Boit-il une dose un peu plus forte, il devient courageux comme un lion. Quand il dépasse la juste mesure, le voilà féroce comme le tigre. Enfin, s’il s’abandonne à la passion de boire, il ressemble au porc qui se vautre dans la fange et il devient aussi abject qu’un singe grimaçant.
Comme le dit le dicton : Un verre, ça va, deux verres, bonjour les dégâts.
Quand Noé « commença », et sa chute
Noé se mit à cultiver le sol et planta une vigne. (version à la Colombe)
Litt : Et commença Noé, homme de la terre, à planter une vigne.
Tout d’abord, le verbe « Et commença », en hébreu hallal חָלַל , peut se traduire par « profaner, souiller, polluer, commencer, violer une alliance, déshonorer » et à chaque fois qu’on le rencontre dans la bible, il est toujours lié à quelque chose de négatif, quelque chose de mal qui va commencer à arriver.
Quelques exemples de son emploi :
Genèse 4.26 : C’est alors que l’on commença à faire appel au nom de l’Éternel.
Gn 41.54 : Les sept années de famine commencent à frapper l’Égypte.
Genèse 10.8 : Nimrod commence à être puissant.
Nombres 17.11: La plaie commença à frapper le peuple.
Nombres 25.1 : Israël demeurait à Sittim ; et le peuple commença à se livrer à la débauche avec les filles de Moab.
Voyez-vous, dans le langage de la Bible, quand une chose commence, ça n’augure rien de bon. Voir l’article Genèse 4.26 – Invoquer ou profaner pour une étude plus approfondie à ce sujet.
La suite pour Noé, nous la connaissons. Noé boit un verre, un deuxième, et un troisième et le voilà dans un état d’ivresse. Que va-t-il faire ? Il se dévêtit dans sa tente.
Vous comprenez qu’au début de l’histoire, Noé est appelé ish tsadik – homme juste, et qu’à la fin du récit, il est appelé ish ha-adama – homme de la terre.
La séquence suivante tient en deux versets dans une succession de verbes décrivant la chute de Noé. Il plante, récolte, boit, s’enivre et… se découvre dans sa tente.
Le péché de Ham
Ham (prononcer Ram), le père de Canaan, vit son père nu et sortit pour le raconter à ses frères. (Version du Semeur)
Cette traduction ne rend pas exactement l’acte dont Ham s’est rendu coupable pour qu’une telle malédiction lui soit destinée.
Les noms donnés dans la Bible sont bien plus que de simples distinctions d’état civil, le nom exprime qui on est. Shem veut dire « le nom », Yaphet, « le beau » et Ham, « le chaud ». On peut comprendre aussi chacun des 3 noms par celui qu’on entend (Chem), celui qu’on voit (Yaphet) et celui qu’on touche (Ham).
Ham est-il accusé d’avoir vu ou devait-il ne pas rapporter ce qu’il a vu ? Ou bien, comme son nom l’indique, a-t-il fait quelque chose de mal ?
Nous pourrions faire le lien entre le péché des hommes de Sodome סְדֹם , nom qui signifie « qui brûle », et le nom de Ham qui veut dire « chaud » avec une action.
Découvrir la nudité dans le langage biblique, c’est bien plus qu’un acte de voyeurisme, c’est l’acte sexuel. Tu ne découvriras point la nudité de ton père (Lév 18.7 Version Darby). On appelle cela un euphémisme. C’est une figure de style qui consiste à dire d’une manière agréable ou poétique une chose qui serait choquante ou indécente.
Découvrir la nudité de quelqu’un, c’est avoir une relation sexuelle avec une personne. La traduction du Semeur lève le voile sur toute ambigüité : Aucun d’entre vous n’aura de relations sexuelles avec une proche parente (Lév 18.6, version Semeur). Au moins, là, c’est clair !
Pourquoi donc, quand Noé est revenu dans son état, a-t-il maudit Canaan et non son fils Ham ?
La première raison serait que Dieu, ayant béni Noé et ses fils à la sortie de l’arche (Gn 9.1), il n’est pas possible de maudire quelqu’un que Dieu a béni.
Mais pourquoi alors le 4ᵉ fils de Ham est-il maudit ? Certains commentateurs disent que Noé aurait espéré avoir un 4ᵉ fils et Ham de l’empêcher d’en avoir. C’est donc le 4ᵉ fils de Ham, Canaan qui sera maudit.
Ham est appelé le père de Canaan, car la Bible a en vue la population dépravée et débauchée et veut faire prendre conscience aux Enfants d’Israël l’origine de cette dépravation. Lorsque les Hébreux vont déposséder le Pays promis, Dieu les met en garde contre les pratiques abominables que commettent ses habitants. On peut dire que Ham a transmis à ses descendants un gène de débauche.
L’hypothèse de l’acte homosexuel apparaît plus explicitement dans les traductions grecques de la Bible d’Aquila, de Théodotion et de Symmaque. Dans ces traductions, le terme traduit en français par « voir » (Genèse 9.22) n’est pas traduit en grec par gumnôsin, mais par aschemosune, un mot désignant les relations homosexuelles.
Par contre, une tradition juive affirme que, plutôt que de violer son père, Ham l’aurait castré. Cette interprétation est connue de Théophile d’Antioche et admise comme une évidence dans plusieurs midrashim compilés en Israël.
Aussi, voici comment Bergsma et Hahn, tous deux théologiens, résument le récit : Noé s’enivre et se déshabille dans sa tente pour se préparer à avoir une relation sexuelle avec sa femme, mais il en est incapable à cause de son ivresse (verset 21). Ham entre et « voit la nudité de son père », c’est-à-dire qu’il a une relation avec la femme de son père (verset 22a). Il sort et informe ses frères de sa mainmise sur le pouvoir familial (verset 22b), en produisant peut-être un vêtement comme preuve de sa revendication. Les frères, à leur tour, agissent avec déférence en rendant « le manteau » à leur père humilié, en évitant non seulement la « vision de la nudité du père » au sens figuré (c’est-à-dire l’inceste maternel), mais aussi au sens littéral. Le lendemain de l’événement, Noé maudit le produit de l’union illicite de Ham – à savoir Canaan – et bénit Shem et Yaphet pour leur piété.
Les parallèles bibliques de la débauche, de l’ivresse, de l’inceste et de la nudité
On voit un parallèle avec Lot qui s’est enfui de Sodome avec ses deux filles et se retrouve dans un lieu, une grotte, où les deux sœurs semblent être les seules survivantes. La question de la descendance se pose quant à elle. Elles font boire du vin à leur père, l’enivrent et chacune d’elle commettra l’inceste. On voit là le même scénario : débauche, jugement, destruction, ivresse, inceste.
Un autre parallèle avec Adam et Noé. Là où Adam se reconnaît nu et se cache, Noé s’enivre et se découvre. Pour couvrir la nudité de leur père, Shem et Yaphet vont le couvrir d’un manteau. De même qu’après avoir désobéi, Adam et sa femme reconnurent qu’ils étaient nus, Dieu va les revêtir d’habits de peau.
Doit-on pour autant se priver de vin ?
Le psalmiste loue Dieu de ce que le Créateur fait pousser l’herbe pour le bétail et les plantes pour les besoins de l’homme afin que la terre produise de la nourriture : le vin qui réjouit le cœur de l’homme (Ps104-14).
Il y a du bon dans le fruit de la vigne. Jésus n’a-t-il pas changé l’eau en vin ? Pour le dernier repas, il utilise le vin comme symbole en mémoire de son sang. Il mangea et but du vin avec les publicains et les prostitués. Le vin ne fait pas de mal tant qu’on n’en abuse pas. Tout est dans l’équilibre. Le vin est très souvent associé à la fête et à la joie.
Mais le vin est tout aussi dangereux qu’un serpent lorsque l’on n’y prend pas garde. Il nous ferait faire des choses que l’on regretterait. Le vin libère la parole, il délie la langue. “Vin et secret” ont tous les deux la même valeur numérique en guématria 70 : là où le vin pénètre, le secret sort.
Paul recommande aux Éphésiens ch 5.18 : Ne vous enivrez pas de vin : cela mène à la débauche. Soyez au contraire remplis de l’Esprit.
L’excès de vin vous fera pencher de plus en plus dans les œuvres de la chair, en laissant la partie charnelle s’exprimer, que ce soit par la violence, les propos grossiers, les insultes, la colère et amènera inévitablement à la débauche sexuelle, car les deux sont étroitement liés. S’enivrer, c’est nourrir la bête qui est en nous, cette partie bestiale, animale qui sommeille en chacun de nous. Le meilleur moyen est d’être continuellement rempli de l’Esprit. C’est de notre responsabilité de veiller à cela.
Le livre de Proverbe nous a avertis : Le vin est moqueur, la boisson forte fait des ravages, et quiconque en est séduit manque de sagesse. (Pr 20.1)
Combien de couples ont été détruits à cause des effets dévastateurs de l’alcool, de vies brisées, d’enfants maltraités, humiliés, abusés, des carrières professionnelles interrompues ? Oui, l’alcool fait des dégâts terribles dans les vies. Et que dire de celles et ceux qui osent prendre le volant alors qu’ils sont sous l’effet de l’alcool et ont tué des vies. Boire comporte une responsabilité : « être dans la maîtrise de soi pour s’arrêter à temps. »
Une personne sage et avisée ne se laisse pas entraîner, elle sait dompter ses passions et ses luttes !
Que Dieu nous aide à être de ceux-là.
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