7 février 2021
Alexandre Nanot

Nombres 11. 31 : Une histoire de cailles

Nombres 11.31 : Un vent s’éleva de par Iahvé et amena de la mer des cailles qu’il abattit sur le camp à près d’un jour de marche d’un côté et à près d’un jour de marche de l’autre côté, autour du camp. Il y en avait près de deux coudées à la surface de la terre.
32. Le peuple se leva tout ce jour-là, toute la nuit, et tout le lendemain ; ils ramassèrent les cailles.
Celui qui en avait le moins en avait ramassé dix homers. Ils les étalèrent pour eux autour du camp. (PLÉIADE)

D’après le texte massorétique :

PDV : Ces oiseaux couvrent le sol sur un mètre d’épaisseur environ

BJC : couvrant le sol sur une hauteur d’un mètre

BAY : sur une épaisseur de deux coudées

JER : et sur une épaisseur de deux coudées au-dessous du sol

BOL : elles couvraient la surface du sol sur deux coudées d’épaisseur environ

SYN : le sol en était couvert, d’une couche de près de deux coudées d’épaisseur

D’après la Vulgate :

FROSS : elles volaient dans l’air à deux coudées au-dessus de la terre

FILL : elles volaient en l’air, n’étant élevées au-dessus de la terre que de deux coudées

SACY : et elles volaient en l’air, n’étant élevées au-dessus de la terre que de deux coudées

Voilà le peuple hébreu enfin libre du joug de pharaon après avoir enduré 210 ans d’esclavage. Sous la conduite de Moïse, il traverse par un miracle la Mer Rouge et cinquante jours plus tard, Dieu va faire alliance en lui donnant sa Torah. Mais à peine le peuple commence-t-il à ressentir les dangers et les effets du désert qu’il va se lamenter et gémir auprès de Moïse. Non pas tout le monde, mais ceux que l’on nomme le « erev rav » (grand mélange), c’est-à-dire ceux qui se joints aux hébreux lors de l’exode (Ex 12.38; Nb11.4). Durant quarante années, Dieu va leur envoyer la manne. Mais ce n’est pas suffisant pour eux, ils se rappellent avec nostalgie les poissons qu’ils pouvaient consommer, et ces concombres, ces melons et autres légumes (Nb 11.5). Le peuple veut de la viande !
Moïse se rend compte qu’il lui serait impossible de fournir autant de viande pour cette multitude. Mais à Dieu tout est possible. Ne l’a-t-il pas montré en frappant l’Égypte par dix plaies et en ouvrant la Mer à tel point que les cavaliers s’y sont noyés. N’a-t-il pas montré que rien ne lui est impossible ? Ce que Dieu dit, sa main l’accomplit.

Le lendemain, Dieu fit souffler un vent de la mer qui rabattit les multitudes de cailles vers le camp des Hébreux. Il y en eut un si grand nombre que le texte nous dit « à près d’un jour de marche d’un coté et à près d’un jour de marche de l’autre coté », ce qui représente un rayon d’environ 40 à 60 km autour du camp. La suite du texte est le verset qui nous intéresse et peut être compris de deux façons :

  1. C’est la leçon du texte massorétique qui, difficile à rendre en français, est traduite généralement par cette idée : sur une épaisseur de deux coudées au-dessus du sol. La Synodale insiste plus que les autres sur ce fait. Vous imaginez la scène ? Un mètre d’épaisseur de cailles sur un rayon de 40 à 60 km ! Est-ce vraiment ce que le texte veut dire ? Il n’est pas question ici d’ôter le miraculeux ,loin de là, mais de rester réaliste.

2. Voyons la leçon de la Vulgate qui, elle, a retenu cette interprétation rendant ce passage par : et elles volaient en l’air, n’étant élevées au-dessus de la terre que de deux coudées (SACY). On considère dès lors que les cailles n’étaient pas entassées sur un mètre d’épaisseur (celles du dessous seraient étouffées) mais que leur vol était appesanti à tel point qu’il n’excédait pas les deux coudées, soit un mètre. Cette interprétation me semble la plus correcte à mon sens.


Autres commentaires

Guebwiller, auteur de « La Bible déchiffrée », a estimé que les quantités de cailles prélevées par famille (10 homers) supposeraient que 9 millions d’oiseaux aient été abattus.


Robert Flament-Hennebique, dans « le Poil de la bête » s’est également livré à cet amusant calcul. Sachant qu’un homer à une contenance de 363 litres et que la population totale des juifs lors de l’exode correspond à deux millions de personnes environ, si l’on suit la bible à la lettre, il parvient à un total de 7 milliards de litres de cailles. Il conclut avec humour qu’à raison de 7 ou 8 cailles au litre, cela correspond à l’ensemble des cailles de la planète.
Les deux estimations sont évidemment totalement invraisemblables. Même s’il y a très probablement quelques éléments de vérité dans le récit biblique, ses auteurs avaient sans doute plus à cœur de frapper l’imaginaire des lecteurs que de livrer un récit historique exact.
Peut-être faut-il entendre, comme Guebwiller le suggère, que la hauteur de deux coudées n’indique pas les cailles tombées sur le sol, mais plutôt la hauteur à laquelle ces dernières survolaient le camp.


John MacArthur va de même dans ce sens précisant que les cailles devaient très certainement voler à une très basse altitude (env. 1m), étant ainsi faciles à capturer.

Rachi de Troyes explique qu’elles volaient à hauteur des hommes, face à leurs cœurs, afin qu’ils n’aient aucun mal à les capturer et qu’ils n’aient ni à s’élever ni à se baisser (Sifri).

Le Targoum Néofiti (N), de la bibliothèque vaticane rend ainsi : Un vent s’éleva, de devant Yahvé, qui transporta de cailles depuis la mer, et les répandit sur le camp, à près d’un jour de marche d’un côté, sur le camp, et d’un jour de marche de l’autre côté, tout autour du camp, et à une hauteur de près de deux coudées au-dessus de la surface la terre.

Le Targoum Pseudo-Jonathan : Un vent de tempête sortit et s’éleva avec fureur de devant Yahvé, qui allait submerger le monde s’il n’y avait pas eu le mérite de Moïse et d’Aaron ; il souffla sur la Grande Mer et fit s’envoler des cailles de la Grande Mer. Elles se posèrent là où il y avait le moins d'(occupants) dans le camp, (et) à près d’un jour de marche au nord et à près d’un jour de marche au sud ; elles volaient à une hauteur à peu près de deux coudées au-dessus de la surface de la terre, et l’on pouvait marcher parmi elles jusqu’au nombril, pour qu’ils ne se fatiguent point en les ramassant.

L’historien Flavius Josèphe (37-100 après JC) résume dans l’un de ses ouvrages « Les antiquités judaïques » (achevé en 94 après JC) l’histoire du peuple hébreu depuis la création. Il décrit cet épisode des cailles, que je reprends ici :

« Dieu promet de prendre soin d’eux et de leur fournir ces ressources tant souhaitées. Moïse, ayant entendu cette réponse de Dieu, retourne auprès du peuple. Ceux-ci, en le voyant tout réjoui des promesses divines, passent de l’abattement à une humeur plus gaie, et lui, debout au milieu d’eux, dit qu’il vient leur apporter de la part de Dieu un secours contre les embarras présents. Et, peu après, une quantité de cailles (cette espèce d’oiseaux abonde, plus que toute autre, dans le golfe Arabique) traverse ce bras de mer et vient voler au-dessus d’eux ; et, fatiguées de voler, habituées, d’ailleurs, plus que les autres oiseaux à raser la terre, elles viennent s’abattre sur les Hébreux. Ceux-ci, les recueillant comme une nourriture préparée par Dieu, soulagent leur faim. Et Moïse adresse des actions de grâce à Dieu pour les avoir secourus si vite et comme il l’avait promis. »
(Antiquités judaïques, livre 3, chapitre 1 ; paragraphe 5)


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