La finale de Marc 16 est reconnue comme l’une problématique textuelle majeure du Nouveau Testament.
Certains des plus anciens manuscrits ne contiennent pas la finale de Marc 16 du verset 9 à 20, ce qui fait que certaines bibles ne l’ont pas intégrée dans leur traduction ou mises entre crochets. Protestants et catholiques reconnaissent cependant cette section comme canonique et inspirée. Il semble évident que l’original de Marc ne contenait pas la finale longue et qu’il s’arrêtait brutalement au verset 8. Ce passage est sujet à diverses controverses tout comme celui bien connu chez Jean et la femme adultère ( 7.53 – 8.11) ou bien Luc 9. 55-56 et Luc 23. 34a. Ces passages durent être ajoutés plus tardivement car ils n’étaient pas dans l’original.
La question est donc de savoir si ces versets faisaient partie intégrante de l’évangile original de Marc ou avons-nous à faire à un ajout plus tardif par un copiste afin de combler les lacunes d’une fin abrupte.
Regroupant l’ensemble des manuscrits retrouvés, nous constatons au moins quatre finales différentes :
- La finale courte, qui s’achève sur le v.8 : Elles sortent, s’enfuient hors du sépulcre. Car elles sont saisies de tremblements et de stupeur. Et à personne elles ne disent rien. Car elles craignaient…
- la finale courte avec addition brève : [Mais elles annoncèrent brièvement aux compagnons de Pierre tout ce qui leur avait été ordonné. Après cela Jésus lui-même les envoya porter de l’Orient à l’Occident la proclamation sacrée et impérissable du salut éternel. Amen.] Uniquement présent dans le Codex Bobbiensis (IV-Ve siècle)
- la finale longue qui comprend les versets 9 à 20. La finale longue semble avoir empruntée une collection d’informations chez les autres évangéliste et dans les Actes.
- la finale longue avec interpolation du logion de Freer insérée entre les versets 14 et 15 : Et ils se sont excusés en disant : Cet âge d’anarchie et d’incrédulité est sous Satan, qui ne permet pas à la vérité et à la puissance de Dieu de prévaloir sur les choses impures dominées par les esprits. Par conséquent, révélez votre justice maintenant. – ainsi ils ont parlé au Christ. Et Christ leur répondit: La limite des années de puissance de Satan est terminée, mais d’autres choses terribles approchent. Et pour ceux qui ont péché, j’ai été livré à la mort, afin qu’ils puissent retourner à la vérité et ne plus pécher, afin qu’ils puissent hériter de la gloire céleste spirituelle et incorruptible de la justice.
Cette finale se trouve dans le Codex Washingtonianus daté du Vᵉ siècle et qui porte le nom de Freer, son acquéreur.
Quels que soient les ajouts, une première remarque s’impose à l’inspection du style et du texte grec. On trouve précisément pas moins de 18 mots qui ne sont pas utilisés dans l’évangile de Marc comme le titre Seigneur Jésus du verset 19. Voici la conclusion de Cranfield : « Par leur vocabulaire et leur style, ces versets ne sont, de toute évidence, pas de la plume de Marc.» (The Gospel according to Saint Mark, CUP, 1972)
La seconde remarque est que cette section est absente dans les deux meilleurs codex, le Sinaïticus א 01 et le Vaticanus B 03. On la trouve cependant dans le Codex Alexandrinus (Vè siècle), le Codex de Bezae (D), le Codex Ephraemi rescriptus (Vè siècle) ainsi que dans les manuscrits byzantins – texte grec majoritaire, Saint Jérôme l’a incluse dans la Vulgate. Ces versets figurent eux aussi dans la Peshitta.
Si l’évangile de Marc s’achève sur le 8, nous avons une fin abrupte qui nous laisse sur notre faim. Elles sortirent du sépulcre, et s’enfuirent, car le tremblement et la peur les avaient saisies ; et elles ne dirent rien à personne, à cause de leur crainte. On ne peut pas véritablement dire dans ce cas que cet évangile se termine par une bonne nouvelle, sans faire de jeu de mots. De plus, l’ange est le seul à mentionner la résurrection (v.6).
Sur le plan interne, le v. 9 fait mention de Marie de Magdala de laquelle il (Jésus) avait chassé sept démons. La finale nous la présenterait donc comme un personnage jusque-là méconnu alors qu’il n’en est pas question dans les passages précédents (ch 15.47 ; 16.1).
Après un long développement des preuves internes et externes, John MacArthur conclut : même si ces versets reflètent des traditions de l’Église primitive, ils ne font pas partie de la Parole de Dieu inérrante et revêtue d’autorité (Commentaire de Marc, Impact, 2015).
Frédéric Godet, le grand théologien et exégète conclut que les critiques les plus dignes de confiance n’en admettent pas l’authenticité.
Dans la série d’ouvrages Encyclopédie des Difficultés Bibliques, Alfred Kuen reprend la thèse de Wessel et tire la conclusion suivante : Les preuves externes et surtout internes permettent difficilement d’échapper à la conclusion que les v. 9-20 ne faisaient pas partie du manuscrit original de Marc.
La traduction du monde nouveau – révision 2018 note : Quant à la conclusion longue de Marc 16 (versets 9-20), et au passage de Jean 7:53–8:11, ces versets ne figurent pas dans les manuscrits les plus anciens. L’authenticité de ces textes n’étant pas établie, ils n’ont pas été retenus dans la présente révision.
Le Concile de Trente, en réaction à la réforme protestante, a redéfini le canon biblique du catholicisme romain. Marc 16. 9-20 fait partie intégrante de l’Évangile de Marc dans la Vulgate. De plus, le passage en question a été régulièrement lu dans les églises depuis les temps anciens (comme en témoignent certains écrits patristique). Le décret du Concile affirme donc le statut canonique de la finale longue.
Preuves patristiques :
- La première preuve claire de Marc 16: 9-20 dans le cadre de l’Évangile de Marc se trouve dans le Chapitre XLV Première Apologie de Justin Martyr (155-157). Dans un passage dans lequel Justin traite le Psaume 110 comme une prophétie messianique, il déclare que le Psaume 110-2 s’est accompli lorsque les disciples de Jésus, sortant de Jérusalem, ont prêché partout. Son libellé est remarquablement similaire à celui de Mc. 16:20 et est cohérent avec l’utilisation par Justin d’une harmonie synoptique dans laquelle Marc 16-20 a été mélangé avec Lc 24-53.
- Irénée (vers 184), dans Contre les hérésies cite explicitement Marc 16:19. Cette preuve patristique est plus d’un siècle plus ancienne que le plus ancien manuscrit de Marc 16.
- Un des élèves de Justin, Tatien, intègre les versets 9-20 dans son Diatessaron (160-175), un synoptique des quatre évangiles.
Conybeare partage sa découverte d’un manuscrit arménien daté du Xè siècle où figure une note en marge de cette section qui attribuerait ce passage à Aristion, un disciple de l’apôtre Jean, dont Papias fait mention. Cela signifierait qu’il est très ancien et contemporain de Jean (80-100).
Qui est l’auteur de l’évangile de Marc ?
Comme en témoigne Eusèbe de Césarée (265-339), rapportant les propos de Papias de Hiérapolis (70-163) : « Marc, étant l’interprète de Pierre, écrivit exactement, mais sans ordre, tout ce qu’il se rappelait des paroles ou des actions du Christ, car il n’a ni entendu ni accompagné le Sauveur. Plus tard, ainsi que je l’ai rappelé, il a suivi Pierre. Or celui-ci donnait son enseignement selon les besoins et sans nul souci d’établir une liaison entre les sentences du Seigneur. »
Justin Martyr (100-165), apologiste du IIe siècle décrit l’évangile de Marc comme étant « les mémoires de Pierre », transmises par écrit au travers de Marc en Italie.
Clément d’Alexandrie (mort vers 215), que nous rapporte encore Eusèbe de Césarée en ces termes : Au sujet de Marc, son évangile fut écrit dans les circonstances suivantes : « Pierre ayant prêché la doctrine publiquement à Rome et ayant exposé l’Évangile par l’Esprit, ses auditeurs qui étaient nombreux, exhortèrent Marc, en tant qu’il l’avait accompagné depuis longtemps et qu’il se souvenait de ses paroles, à transcrire ce qu’il avait dit: il le fit et transcrivit l’Évangile à ceux qui le lui avaient demandé : ce que Pierre ayant appris, il ne fit rien par ses conseils pour l’en empêcher ou pour l’y pousser. »
Les témoignages de Papias et de Clément se réfèrent aux Anciens, c’est-à-dire aux chrétiens de la seconde génération, qui conservaient les traditions venues des témoins de la première génération. Toute la tradition postérieure dépendra de ces deux témoignages. Papias et Clément s’accordent pour attribuer la composition d’un évangile à Marc, disciple de Pierre.
Conclusion
La question que nous pourrions nous poser est celle-ci : Marc avait-il volontairement l’intention de clôturer son évangile sur le v. 8 ? Un événement soudain comme la mort l’aurait empêché de terminer son évangile ? Peut-être que la dernière page du manuscrit original a très tôt été perdue ?
D’autres questions peuvent se poser comme celle du besoin de l’Église primitive de devoir compléter le récit de Marc qui leur semblait comme inachevé ?
Pourquoi l’apparition du Seigneur ressuscité promise à Pierre et aux autres disciples (16.7) n’est pas mentionnée ?
Autant de question qu’il n’y a de réponse. Chacun se fera sa propre opinion mais cela ne change rien fondamentalement au message de la Bonne Nouvelle à savoir – Jésus-Christ est bien le Fils de Dieu qui s’est incarné, mort pour nos péchés et ressuscité le troisième jour selon les Écritures, afin de nous réconcilier avec le Père et faire de nous ses Enfants.
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