29 mai 2020
Alexandre Nanot

Matthieu 2.1 : Des mages venus d’Orient

Seg 1910 : Jésus étant né à Bethléhem en Judée, au temps du roi Hérode, voici des mages d’Orient arrivèrent à Jérusalem

Martin : Or Jésus étant né à Bethléhem, [ville] de Juda, au temps du Roi Hérode, voici arriver des Sages d’Orient à Jérusalem

TMN 1995 : Après que Jésus fut né à Bethléhem de Judée, aux jours d’Hérode le roi, voyez, des astrologues venus de l’Est arrivèrent à Jérusalem

FC : Jésus naquit à Bethléem, en Judée, à l’époque où Hérode était roi. Après sa naissance, des savants, spécialistes des étoiles, vinrent d’Orient. Ils arrivèrent à Jérusalem

Ce qui est surprenant chez Matthieu, qui écrit pour ses contemporains juifs, c’est le nombre de passages où il est question des païens. Remarquez que les dernières paroles de Matthieu si bien connues, sont l’annonce de cet Évangile à toute la création, c’est-à-dire aux non-juifs.  Et les premiers à venir adorer Jésus sont des mages venus d’Orient et ils disent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? En effet, nous avons vu son étoile en Orient et nous sommes venus pour l’adorer. » Mt 2.2 

Tiré de ce récit où des mages viennent adorer le roi des juifs qui est encore « bébé ”, la tradition chrétienne a élaboré tout un folklore autour de ce passage. D’abord, en leur donnant des noms, or il n’est nulle part fait mention dans les évangiles de Bathazar, Gaspar et Melkior. ensuite, il n’est pas mentionné qu’ils soient des rois. enfin, il n’est pas précisés qu’ils sont trois et encore moins que l’un d’eux est européen, l’autre africain et le troisième typé oriental, représentant ainsi l’ensemble des nations. Melchior aurait été roi des Perses, Balthazar roi des Arabes, et Gaspard roi en Inde.

Tout cela est le fruit de la tradition.

Voyez l’évolution :

  1. L’idée de leur origine royale apparaît chez Tertullien au début du IIIe siècle, celui-ci les décrit comme fere reges, « presque rois ». 
  1. Leur nombre de trois est évoquée un peu plus tard par Origène. Il se base sur les trois présents offerts à l’enfant. Dans son homélie sur la Genèse, il fait le lien entre les trois personnages — Abimélech, Ahuzat et Picol — qui rendent visite à Isaac dans un épisode de réconciliation suite à l’histoire des puits. Origène compare les Mages à ces trois personnages et fait le parallèle avec le Christ qui accueille l’adoration de ces étrangers, symbole de l’Église qui accueille les Gentils. Saint Chrysostome dans un commentaire de Matthieu ira jusqu’à dire qu’ils étaient 14.
  1. Le nom des mages apparait dans un écrit apocryphe qui ne semble pas antérieur au VIe siècle, l’Évangile arménien de l’Enfance. Il leur donne les noms de Balthazar, Melkon et Gathaspar. Certaines traditions chrétiennes, dont témoigne pour la première fois vers le VIIIe siècle l’Excerpta Latina Barbari, les popularisent sous les noms de Melchior, Gaspard et Balthazar.

Et voilà comment s’éloigner de ce que dit simplement l’évangile de Matthieu.

Quand à l’origine des présents, le texte nous dit simplement qu’ ils ouvrirent ensuite leurs trésors, et lui offrirent en présent de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Ce n’est qu’à partir du VIe siècle que les Pères de l’Église donnent des explications symboliques à la nature de ces cadeaux mais nul n’est à même de penser que Matthieu avait cette intention en notant ces détails. Pour les Pères, l’or évoque la royauté de Jésus, l’encens évoque tantôt sa dimension sacerdotale, tantôt sa divinité et la myrrhe, un parfum qui servait à embaumer les morts dans l’Antiquité , évoquerait tantôt sa dimension prophétique, tantôt son humanité. C’est principalement l’interprétation qui a perduré jusqu’à aujourd’hui. 

Tout lecteur de la bible fera un parallèle lorsqu’il lit le Psaume 72. 9-11 :
Les rois de Tarsis et des îles apporteront des offrandes,
Les rois de Saba et de Seba offriront des présents.
Tous les rois se prosterneront devant lui,
Toutes les nations le serviront.

Nous avons là un psaume dit messianique écrit par Salomon, le roi dans sa splendeur, et il décrit ce que seront les caractéristiques du règne du messie, à savoir que les rois des nations viendront à Jérusalem adorer le Roi des rois, le messie, et ce, avec des présents. On retrouve la même idée dans un passage messianique prononcé par Isaïe 60. 5-6. : Tu le verras alors, et tu seras radieuse ; ton cœur battra et s’épanouira ; car la richesse de la mer se dirigera vers toi ; les trésors des nations viendront à toi. Des dromadaires en foule, les jeunes chameaux de Madian et d’Epha, te couvriront ; tous ceux de Schéba viendront, apportant de l’or et de l’encens et publiant les louanges de l’Éternel .

De même que cela revient dans la prophétie de Zacharie 14.16 : Et il arrivera que tous ceux qui resteront de toutes les nations qui seront venues contre Jérusalem, monteront chaque année pour se prosterner devant le Roi, l’Éternel des armées, et pour célébrer la fête des Tabernacles. Matthieu envisage donc que ces mages venus d’Orient représentent par anticipation ce pèlerinage eschatologique qui s’effectuera à la Fête, et pas n’importe laquelle, la fête de Souccot, la fête des Cabanes, cette fête où les gens des nations sont inclus, et dont l’accomplissement n’est pas pleinement réalisé. Cette fête où des Grands, des représentants de toutes nations viendront apporter leurs présents au Roi-Messie.

Matthieu semble insister auprès de ses frères comme pour dire que les mages venus d’Orient préfigurent la foi des païens dans le messie.

Timbre de Monaco – 1982
Les 3 rois mages

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