Tout d’abord, passons en revue toutes les diverses traductions dont nous disposons :
Calvin 1553 : & on crioit devant luy, Abrec
Martin 1744 : et on criait devant lui : qu’on s’agenouille
Perret-Gentil 1869 : Inclinez-vous !
Crampon 1904 : et un héraut cria devant lui : À genoux !
Bayard : Avrek !
PDV : Ensuite, il le fait monter sur son deuxième char, et les gens crient devant lui : « Laissez passer ! »
Bible des Peuples 2005 : et l’on criait devant lui : Prosternez-vous !
Segond 21 : Il le fit monter sur le char qui suivait le sien et l’on criait devant lui : « À genoux ! »
TOB 2010 : et on criait devant lui : « Attention ! »
Semeur 2015 : Il le fit monter sur son deuxième char et, sur son parcours, on cria : À genoux
Le Texte Massorétique lui porte :
Avrek, s’agenouiller ou se prosterner ?
Au regard des traductions les plus anciennes, nous trouvons la Septante (vers 270 av. J.-C) qui traduit de l’hébreu vers le grec : καὶ ἐκήρυξεν ἔμπροσθεν αὐτοῦ κῆρυξ· qui se traduit par « le héraut fit une proclamation ».
La texte grec d’Aquila (IIe siècle), traducteur de l’Ancien Testament de l’hébreu vers le grec : « Il proclama de s’agenouiller (gr. gonatizo) en sa présence. »
La version Symmaque (IIe siècle) fait de même et selon sa traduction : « Il cria devant lui » ABRECH.
Le texte latin de la Vulgate (IVe siècle) porte : ut omnes coram eo genuflecterent… qui se traduit : « Que tous s’agenouillent devant lui ».
Le Targoum Yohanan Ben Uziel dit ceci : « Il le fit monter sur le second char de Pharaon et on criait devant lui : « C’est là le père du roi, maître par la science et tendre par les années ! » Et il le préposa comme prince sur tout le pays d’Égypte. »
Le Targoum Néofiti 1 : « Il le fit monter sur son second char et on criait devant lui : « Vive le père du roi, qui est maître par la science, bien que jeune et tendre par les années ! » Et il le préposa comme chef et officier sur tout le pays d’Égypte. »
Une fois avoir passé en revue toutes ces différentes traductions, nous ne sommes pas plus avancés. Nous trouvons d’un côté, ceux qui suivent le Texte Massorétique et s’en tiennent à transcrire simplement Avrek et de l’autre, on retrouve la notion de s’agenouiller, se prosterner en guise de révérence.
Une origine Egyptienne
Avant de voir cette expression, faisons un petit retour en arrière. Joseph a passé sept années en prison, dans une affaire où il n’est pas coupable. Lui, qui déjà fut vendu par ses frères et de fait, privé de son père, le voici victime de la convoitise non assouvie de la femme de son maître. Injustement accusé, il fut envoyé dans les geôles de son maître. Il y attendra patiemment, sans connaître l’issue de son emprisonnement. Dieu est au contrôle, et, selon le timing divin, le Pharaon fit un double rêve, nécessitant une interprétation particulière. On fit appeler le jeune hébreu qui, du jour au lendemain, va passer du 3ème dessous à la place équivalente à celle du Premier ministre.
Ensuite, Pharaon offrira à Joseph des présents, en guise de récompense pour ses mérites. Tous ces objets sont en relation avec le fait d’avoir résisté à la femme de Potiphar. C’est ainsi que chaque partie du corps de Joseph, qui a fui devant les avances de l’épouse de Potifar, se trouva récompensée, selon le Midrach Rabba Beréchit 20,3 : sa bouche (qui n’a pas embrassé cette femme) pourra donner des ordres à tous les Égyptiens ; son corps (qu’il n’a pas touché) sera revêtu de vêtements royaux de lin ; son cou (il n’a pas penché ses yeux) sera paré d’un collier royal en or ; sa main (qui ne l’a pas touchée) recevra l’anneau royal de Pharaon ; ses pieds (qui n’ont point couru vers le mal) monteront dans le char royal.
La suite du récit fait écho aux 11 premiers versets du livre d’Esther, chapitre 6. Joseph va défiler dans un cortège officiel qui l’introduit dans ses fonctions.
Alors, comment faut-il comprendre ce mot Avrek ?
Il s’agirait d’un mot d’origine égyptienne, mot dont la signification a longtemps été discutée.
La Bible annotée note ceci : « D’après une certaine interprétation, abrok signifierait en égyptien primitif : « Jette-toi à terre ». Il y a un rapport de son entre ce mot et le mot hébreu בֶּרֶךְ – bereq d’où vient le verbe s’agenouiller. On rapporte que abrok est le mot qu’emploient encore aujourd’hui les chameliers pour faire agenouiller leurs chameaux. »
La dérivation égyptienne la plus probable, semble être le mot îb-rk, littéralement « ton cœur à toi », c’est-à-dire « attention ! » ; il aura naturellement évoqué, aux oreilles des Hébreux, leur verbe bâraq – s’agenouiller : d’où l’apparition, avec la Version d’Aquila et la Vulgate, de la traduction « À genoux ! » qui est aujourd’hui la plus généralement adoptée.
Mais Rachi apporte une autre précision si l’on découpe le mot en deux : Avrékh – Le mot araméen rékh (ou latin rex, selon certaines éditions) veut dire « roi », comme dans « ni noble (rékha), ni fils de noble » (Baba Batra 4a). Dans le Midrach, Rabi Yehouda applique le mot avrékh à Yossef en ce qu’il était av (« père ») en sagesse, et rékh (« tendre ») en années (Sifri Devarim 1). Sur quoi, Rabi Yossé ben Dourmasqith lui a objecté : « Jusqu’à quand vas-tu détourner les textes de leur sens ? » Le mot avrékh n’a pas d’autre signification que celle de « genoux » (birkayim), voulant dire ici que tous lui étaient soumis, comme indiqué à la fin du verset : « il fut installé dans tout le pays d’Égypte ».
L’écriture exprime que Joseph était le père de tous, quant à la prudence, et ce, malgré son jeune âge. Nous pouvons ainsi souligner que la maturité ne dépend pas de l’âge mais bien plutôt de ce que l’on a vécu.
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