Le Codex de Bezae Cantabrigiensis – D05
Le codex de Bèze appelé aussi Bezae Cantabrigensis est connu sous le sigle D 05.
Il fait partie des 5 grands onciaux les plus connus, à savoir
- Sinaïticus (א 01 IVe siècle)
- Alexandrinus (A 02 Ve siècle)
- Vaticanus (B 03 IVe siècle)
- Ephraemi rescriptus (C 04 Ve siècle)
- Le codex de Bèze
Les spécialistes de la critique textuelle classent en 4 grandes familles les manuscrits du Nouveau Testament :
- Alexandrin : Il est représenté surtout par le codex Sinaïticus, Vaticanus et deux payri importants datés du IIIe siècle P45 et le P53
C’est le plus utilisé pour les traductions modernes. Cependant ils comportent des absences comme Matt 16,2-3; Marc 16,8-20; Luc 22,43-44; Jean 5,4; 7,53-8,11; 21,25; Rom 16,24.
- Byzantin : appelés aussi le Texte majoritaire, qui représente la plus grande majorité des manuscrits (80 %), dont plus de 5 838 manuscrits grecs existants. Il est représenté par le Codex Alexandrinus A01 pour le NT.
- Occidental : Le texte est relativement plus long de 8.5% et quant à lui est représenté par des papyri datant de la fin du IIIè siècle comme le P38 et le P48 mais surtout par le codex de Bezae Cantabrigensis D05.
- Cesaréen : Ces manuscrits ont très certainement été rédigés en Égypte et apportés à Césarée par Origène.
ORIGINE
Ce manuscrit est la copie fidèle d’un texte plus ancien que citait déjà Justin Martyr (qui fut martyrisé vers 165 à Rome), et Irénée de Lyon dans son traité contre les Hérésies. Frederick Scrivener pense qu’Irénée avait amené en Gaule “l’ancêtre” du codex Bezæ qui fut recopié sur parchemin au début du Ve siècle, pour assurer sa pérennité.
C’est vraisemblablement le texte le plus ancien des évangiles qui nous soit parvenu. En effet, Irénée vint évangéliser en Gaule. On dit qu’il est arrivé à Lyon dans les années 170, il venait de Smyrne où il avait été disciple de Polycarpe. Polycarpe était disciple de Jean, le disciple du Christ, qu’il avait connu dans sa jeunesse.
Après la mort de Pothin, alors responsable de la communauté chrétienne de Lyon, qui fut martyre pour la foi, avec Blandine et nombre de chrétiens lors d’une persécution survenue au cours de la persécution de 177. C’est Irénée qui succéda à Pothin et devint responsable de la communauté de Lyon.
La date la plus probable le situe entre 380 et 420 au plus tard.
Aussi loin qu’on puisse remonter, ce manuscrit se trouvait en France,à Lyon.
Sa présence y est attestée de manière documentée du IXe au XVIe siècle et confirmée par l’analyse des restaurations effectuées sur un ensemble de feuillets. C’est bien l’atelier du diacre Florus de Lyon, identifiable par l’analyse de l’encre utilisée, qui est à l’origine de ces restaurations. La présence de ce manuscrit à Lyon est d’autant plus logique que la ville était alors un centre important de dissémination des textes anciens en Occident. Il a été gardé précieusement pendant des siècles dans le monastère Saint-Irénée de Lyon.
Une version dit qu’en 1562, le codex aurait disparu lors du sac de la ville si Théodore de Bèze, qui allait devenir le successeur de Calvin à Genève, n’avait assuré sa sauvegarde. Il le fit retirer du couvent Saint-Irénée avant que celui-ci ne soit détruit par les flammes et l’adressa à la bibliothèque de l’université de Cambridge en 1581 où il est conservé depuis lors sous l’intitulé Codex Bezae Cantabrigiensis.
Une autre variante dit qu’en 1581, le réformateur français Théodore de Bèze qui partage l’intérêt des humanistes du XVIe siècle pour les manuscrits de la Bible adresse ainsi de Genève à l’université de Cambridge un manuscrit célèbre du Nouveau Testament. Ce manuscrit contient l’une des versions les plus anciennes qui ait survécu de ces textes en grec et en latin, version qui n’a pas été retenue par l’Église. Les variantes de son texte, recensées en 1549 au Concile de Trente, seront alors utilisées par le célèbre imprimeur Robert Estienne qui inclura plusieurs de ces interprétations dans son édition du Nouveau Testament de 1550.
PRÉSENTATION
Le codex de Bèze demeure l’un des témoins scripturaires essentiels du Nouveau Testament grec. C’est un manuscrit bilingue grec et latin, écrit en onciales sur vélin, contenant les évangiles dans un ordre propre et qu’il partage avec le Codex Washingtonianus ou le codex de Freer : En tête vient Matthieu, vient Jean, puis Luc (le seul qui soit complet) et Marc ; après une lacune de 67 ff., le manuscrit reprend avec la troisième Épître de Jean et en fin, les Actes des Apôtres jusqu’au chapitre 21.
Il comporte 406 folio (l’original en avait peut-être 534).
Chacune des marques des neuf correcteurs qui travaillèrent sur ce manuscrit entre le VIe et le XIIe siècle, a été repérée et cataloguée par F. H. A. Scrivener qui en édita le texte (en cursives) en 1864.
PARTICULARITÉS
- Le récit de la femme adultère Jean (7.53-8.11)
Le récit de la femme adultère que nous lisons dans l’évangile de Jean (7.53-8.11) est absent de plusieurs manuscrits grecs. Le codex Sinaïticus et le codex Vaticanus par exemple ne possèdent pas ce récit. Il y est absent.
Le codex Alexandrinus ne contient pas les ch. 7 et 8 de Jean.
Il en est de même pour plusieurs manuscrits grecs, voire des traductions des IIe et IIIe, que ce soit en latin, en grec, ou en dialectes coptes ou en syriaque, aucune trace de ce passage de ”Jésus et la femme adultère”.
Par contre, nous le trouvons présent dans la Vulgate de Saint Jérôme (traduction latine env -384). Jérôme note qu’ils se trouvaient dans bon nombres de manuscrits grecs et de traductions latines. Saint Augustin cite lui aussi ce passage.
Le plus ancien témoin que nous connaissons et qui contient ce passage est le codex de Bezae D05.
- La finale de Marc 16. 9-20
Celle-ci est présente dans le codex Alexandrinus et le codex de Bezae D05. Ces derniers versets de Marc sont présents dans le Diatessaron, une harmonie des évangiles compilée par Tatien. Irénée de Lyon (fin du IIe) cite lui-aussi ce passage. Ils sont néanmoins absents du codex Sinaïticus et du codex Vaticanus.
- Luc 5.10-11
D’autres additions comme Luc 5. 10-11 : Jacques et Jean, les fils de Zébédée. Il leur dit : “Venez, ne pêchez plus de poissons, car je vous ferai pêcheurs d’hommes.” Quand ils eurent entendus cela, ils laissèrent tout à terre et le suivirent.
- Actes 15. 27-29 – Le décret apostolique
Le concile de Jérusalem en 51 se conclut par ce que nous appelons le “décret apostolique”.
Voici le texte occidental tel qu’il est dans le Code de Bèze
Actes 15.27-29 : Nous envoyons donc Jude et Silas, annoncer cela par la parole.
Car il a paru bon au Saint-Esprit et à nous de ne pas nous imposer de charge
autre que celle qui est nécessaire :
s’abstenir des viandes sacrifiées aux idoles, du sang [.] et de l’impudicité.
et tout ce que vous ne voulez pas qu’il vous arrive, ne pas le faire à autrui.
De cela vous gardant vous-mêmes, faites le bien étant conduits dans le Saint Esprit.
Portez-vous bien. Adieu
Il est intéressant de noter que le codex de Bèze reprend la règle d’or sous la forme négative, là même où, dans le sermon sur la montagne, Jésus la prononcera dans la forme positive : Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux, car c’est la loi et les prophètes (Matth 7.12)
Jésus n’a pas inventé cette maxime. Nous trouvons cette enseignement dans la bouche de Hillel Hazaqen ou “Hillel l’Ancien”, un rabbi qui vivait en -50 av JC, il serait le grand-père de Gamaliel, au pied de qui Saül de Tarse recevra l’enseignement.
Le Talmud de Babylone – traité Shabbat page 31a :
On raconte qu’un non juif vint devant Chamaï et lui dit : « Je me convertis à condition que tu m’enseignes toute la Torah le temps que je reste sur un pied. Chamaï le renvoya disant : Toute la vie ne suffit pas pour étudier la Torah, et il renvoya avec la règle de maçon qu’il tenait à la main.
Le non-juif alla devant Hillel et lui dit : Je suis chef d’entreprise, j’ai très peu de temps, alors enseigne-moi toute la torah pendant que je suis sur un pied.
Hillel répondit : »Ce que tu ne veux pas que l’on te fasse, ne le fais à ton prochain, c’est toute la Torah, le reste est son commentaire. Maintenant va et continue d’étudier.”
Nous trouvons cette règle de même dans un écrit apocryphe daté d’environ -200 av JC appelé Tobie, au chapitre 4, quelques versets :
5. Mon enfant, sois tous les jours fidèle au Seigneur.
12. Garde-toi, mon enfant, de toute inconduite.
15. Ne fais à personne ce que tu n’aimerais pas subir. Ne bois pas de vin jusqu’à l’ivresse, et n’aie pas la débauche pour compagne de ta route.
16. Donne de ton pain à ceux qui ont faim, et de tes habits à ceux qui sont nus.
La règle d’or, inclus au décret apostolique que l’on trouve dans le codex de Bèze se trouvait très certainement écrite dans l’original de Luc, mais très vite avec des hommes tels que Marcion ou Justin Martyr, les traces trop présentes d’un judaïsme furent purgées progressivement.
Pour ceux qui veulent voir les ajouts du texte occidental dans le livre des Actes, la Bible de Jérusalem mentionne dans les notes tous ces ajouts.
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